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“Avec aujourd’hui plus de 1000 groupes, le rap explose sur la scène sénégalaise. Dans les villes comme dans les campagnes, il est devenu un véritable phénomène social. Grâce à lui, la jeunesse brise pour la première fois les nombreux tabous de la société sénégalaise. ”

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cd_pbs_cool_run.jpgEn moins de cinq ans, le rap a explosé sur la scène sénégalaise. Devenu le deuxième mouvement musical du Sénégal après le mbalax, il s’exporte aujourd’hui sur les scènes occidentales grâce à quelques groupes comme Positive Black Soul (PBS), Daara-J et Pee Froiss. Mais avant d’être un phénomène artistique, le succès du rap tient avant tout du phénomène de société. « Sur un pâté de trois maisons, on trouve aujourd’hui un jeune qui fait du rap », avoue Lothaire Gomis, initiateur dans les années 1990 des Rap Attacks qui lancèrent le mouvement. Après le foot et la danse qui cristallisèrent les espoirs de réussite de la jeunesse, le rap est aujourd’hui adopté massivement par des jeunes de tous horizons et de toutes conditions sociales. Pêcheur ou électricien à St Louis comme les membres du groupe phare Black Muslims, étudiants à Dakar comme PBS, paysans à Podor, les rappers s’expriment sur les podiums des villages, dans les lycées, au sein des associations culturelles et sportives et parfois sur de grandes scènes en première partie de Youssou Ndour ou de Baaba Maal. Leurs messages sont largement diffusées par la presse et les radios comme 7 FM, Sud ou Wal Fadjri.

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Au delà du simple rêve de réussite sociale, le rap a permis à la jeunesse de s’exprimer au sein d’une société qui ne donnait jusque-là la parole qu’aux vieillards. « Grâce au rap, les jeunes se sont mis à dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, explique Lothaire. A partir de 1995/96, ils on même radicalisé leur discours ». « Les jeunes se sont mis à dire les choses brutalement, directement. Ils avaient envie d’en finir avec le masla, ce système hypocrite de négociations, explique Gunman Xuman de Pee Froiss, le rapper le plus radical de la scène nationale.

pee-froiss-konkerant.jpgAvec des textes chocs, courts et précis, les rappers ont donc révolutionné les mentalités. Certains comme le groupe Tundu Wundu (ex-BBS) de St Louis ont ainsi abattu les barrières de haine en rappant avec des Mauritaniens. D’autres comme Pee Froiss ont attaqué le drapeau national. « Dans « kani », nous disons que le vert ne signifie plus la forêt mais le PS. Le jaune de la savane représente l’or empoché par nos dirigeants et le rouge, autrefois couleur des guerriers, symbolise la guerre en Casamance », explique Xuman. D’autres rappers vont oser briser le tabou des tabous au Sénégal en dénonçant la corruption et les compromissions politiques de certains chefs religieux. « Makhtar le cagoulard du groupe Wabi MJ 44 qui avait mis en cause un marabout très connu a été agressé par ses disciples et menacé d’un revolver », explique Coco J, l’animateur rap de 7FM. Garçons et filles (dont Sister Fa, Njaaya…) osent également parler crûment de leur misère sexuelle, de la menace du SIDA, des grossesses non désirées, du sexe comme palliatif à l’oisiveté. « La dénonciation est aujourd’hui automatique et radicale. Les jeunes ne pardonnent plus rien », analyse Lothaire Gomis

Facteur d’explosion sociale selon Lothaire, outil d’émergence d’une conscience citoyenne selon Xuman, le rap a libéré la parole de la jeunesse et avec elle la société. « Le rap a mis un terme au fatalisme», conclue Xuman.

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Sylvie Clerfeuille

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