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“Depuis des années, Afia Mala rêvait de rencontrer les maîtres du son cubano, Orquesta Aragon. C’est dans le mythique studio Egrem que le rêve est devenu réalité. Histoire de l'aventure musicale Afia Mala à Cuba. ”

Cet album tranche un peu avec les précédents albums plus folk. Ici, vous faites le choix de la salsa. Pourquoi ?

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J’ai toujours essayé de mettre une touche de salsa dans mes albums. L’Afrique de l’Ouest a vécu des influences multiples avec l‘esclavage, la colonisation: celles des USA, des Antilles, du Brésil, de Cuba. Le lien avec Cuba notamment est très ancien. Mon pays, le Togo, a toujours été bercé par la salsa avec Gnonnas Pedro, le Polyrythmo, Melo Togo de Bob Essien . et plus tard Africando. J’ai de plus souvent travaillé avec Boncana Maïga qui a composé le titre El elefono présent dans l’album. Depuis des années, l’Orquesta Aragon est l’idole de la jeunesse.

Dans quelles circonstances a eu lieu cette collaboration avec l’ Orquestra Aragon ?

Depuis longtemps, je rêvais de travailler avec l’Orquesta Aragon et l’idée m’était venue d’aller à Cuba les rencontrer. Mais c’est lors d’une de leurs tournées en Afrique , en guinée très exactement que la rencontre a eu lieu . Rafael Lay avait une fois accompagné Miriam Makeba et il avait toujours rêvé de l’amener en studio. De travailler avec une chanteuse africaine, c’était son rêve.

Vous avez enregistré au mythique studio Egrem qui symbolise l’histoire de la musique cubaine. Quels souvenirs avez-vous de ces enregistrements ?

C’était le rêve, la fête. Juste le fait d’aller en studio, c’était une aventure. J’ai beaucoup appris avec les Cubains. Leurs méthodes d’enregistrement sont très différentes des nôtres : ils se réunissent et enregistrent dans les conditions du live. On ne peut pas tricher ainsi. Vous êtes obligés d’être à fond dedans. Et puis, j’ai eu de grandes surprises. Pour moi, la musique cubaine, c’était les vents, le sax et ici j’ai découvert une autre facette, l’importance du piano avec Rubalcaba , Grammy Award en 2002, et les cordes. Ca a duré 6 semaines mais c’était magique.

Rubalcaba, c’est le père de musique traditionnelle montuno…

Oui, le montuno est une musique de l’Oeste, la région la plus africaine de Cuba. Il exprime cette dimension acoustique et roots de la musique cubaine. Le titre «~Togo~» que m’a proposé le groupe par exemple fut à l‘origine chanté par Celia Cruz. C’est un morceau de la région de Pinar del Rio. Les paroles sont chantées en mina, ma langue. J’ai également repris le titre « En el bano » de Celia Cruz sous le nom « El Teteva ». Comme Miriam Makeba est la mère de la musique africaine, Celia Cruz est la mère de la musique cubaine la plus traditionnelle.

Comment se passait la collaboration ?

Les membres d’Aragon étaient constamment avec moi, surtout Rafael Lay qui amenait ses feuillets et Rubalcaba avec sa pipe. Ils m’ont apporté leur humanité et m’ont aussi appris l’humilité. Au début, j’étais paralysée, j’avais honte. Je ne sais pas lire la musique. Je compose depuis l’âge de 7 ans mais je ne sais pas écrire la musique. J’avais apporté des textes de ma composition dans le style des musiques traditionnelles cubaines mais par exemple dans « Maman », je n’arrivais pas à suivre leur tempo qui est différent et de plus il n’y avait pas de grosse caisse pour me guider. Ils m’ont mis en confiance, m’ont dit « nous allons changer de gamme » et finalement, la confiance est venue petit à petit et c’est parti.

Comment avez-vous ressenti ce rapport à la musique à Cuba, différent du vôtre ?

A Cuba, la musique est une affaire de famille, le grand père chante, le père, le fils. Dans leur pratique traditionnelle de la musique, j’ai retrouvé beaucoup de choses du Togo, ils adorent des Dieux comme Shango, le dieu du tonnerre. Rubalcaba portait ses perles rouges pour se protéger, les autres musiciens, des perles bleues et blanches. On a été fêté l’anniversaire du décès de Beni More dans la région de Santa Monica, J’ai chanté sur sa tombe. On trouve des statues de leurs dieux dans les maisons, les églises. Elles sont gigantesques, les femmes portent des couleurs comme au Togo, ont des drapeaux , s’adressent aux mêmes esprits. Lors des cérémonies animistes, elles agitent des feuilles, dansent le Blequete, un rythme mina. Les gens sont vêtus de peaux de bête, jouent du talking-drum comme au Nigeria, chez les Yoruba.

Comment en êtes vous venue à jouer avec Carmen Flores, Laïto Sureda et Tata Guines ?

Beaucoup d’artistes passaient dans le studio. Ils s’asseyaient et écoutaient. . Carmen Flores est passée, elle a 85 ans, elle me regardait chanter , elle s’est levée, a demandé si elle pouvait chanter, c’était naturel Laito Sureda, qui a 75 ans , m’a proposé, il avait chanté avec Rafaelito et avec Celia Cruz. Quand il s’est mis à chanter en mina avec tant de naturel (je faisais les parties solo en cubain et on faisait les duos ensemble), mon mari avait les larmes aux yeux. Tata Guines est un merveilleux percussionniste , parois les ongles se cassent et il continue à jouer, c’est magique.

Dans votre vie , vous avez multiplié les expériences . Quand ressort-il de cette expérience ?

J’ai chanté dans toute l’Afrique , je reviens des émirats. Je chante en swahili, une langue très facile et rès universelle. J’ai eu des expériences heureuses comme Abidjan, ville ouverte, ou Kinshasa, d’autres difficiles comme le Nigeria , fermé, un pays fermé aux autres musiques. Au Ghana, j’ai chanté avec Assabia Cropper. Au Sénégal, j’ai intégré du mbalax à ma musique. Je vis aujourd’hui au Bangladesh où les femmes sont protégées. Je ne peux pas me produire en public. Cuba, c’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé. En mai/juin je pars en tournée avec Aragon.

Un souvenir particulier ?

Un jour j’étais chez le Ministre de la Culture, chez lui dans son bureau, il y avait un trio de percussions du Nigeria et une guitare. Il a pris la guitare, m’a demandé de chanter «~Malaïka~» et m’a accompagnée.

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À propos de l'auteur

Sylvie Clerfeuille

Sylvie Clerfeuille

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