Malgré un remarquable parcours (sa collaboration à l’emblématique album So de Peter Gabriel et les rencontres successives avec Joni Mitchell, Youssou Ndour ou Tracey Chapman, qui relèvent davantage d’un simple gotha de la musique internationale, que de sessions enfilées les unes derrière les autres), on aurait pu craindre qu’Emmanuel Katché aka Manu Katché ne se relève pas, dans le cœur des amateurs de jazz – sans doute aussi puristes, voire plus, que les laudateurs du lyrique – de sa participation au jury de la Nouvelle Star. Mais le batteur a su faire preuve de la plus extrême des duplicités en enregistrant durant la même période un disque étonnant (Neighbourood – 2005) élaboré en compagnie de l’emblématique saxophoniste Jan Garbarek. Mieux encore, Katché anime, depuis 2007, sans nul doute l’une des plus séduisantes émissions musicales de la télévision… un cadre où il peut, entre autres, rappeler à satiété à quel point il reste l’un des meilleurs batteurs de jazz au monde.
Á l’occasion de son troisième album pour le prestigieux label ECM, le musicien d’origine ivoirienne a choisi de s’entourer du saxophoniste norvégien Tore Brunborg (l’un des piliers du label), du Gallois Pino Palladino à la basse (entré dans l’histoire pour avoir, à l’occasion de deux tournées, remplacé un John Entwistle décédé au sein des Who), et du pianiste, tant électrique qu’acoustique, anglais Jason Rebello (qui fut un fidèle compagnon musical de Sting… au côté de son patron actuel). Apparaissent également en invités, sur plusieurs pièces, le guitariste Jacob Young (remarquable chorus dans le particulièrement délicat “Springtime Dancing”, et au jeu tout en retenue dans “Keep On Trippin’”), et la chanteuse et trompettiste Kami Lyle (murmurante et bluesy dans “Stay With You”, plus évanescente encore avec “Flower Skin”).
Les sept autres partitions du programme (entièrement composé par le batteur) célèbrent hautement la grande complicité unissant Katché et Palladino, section rythmique toute de complicité, d’empathie, et d’écoute. Enregistré dans le Vaucluse, Third Round (puisque aussi bien il s’agit de son troisième disque en tant que leader) capte parfaitement le caractère solaire d’une musique de climats et non d’esbroufe, d’impressionnisme et non de surlignage. La somme étant supérieure aux parties, les sessions permettent à ces virtuoses de dépasser leur efficience technique, pour un résultat tout en tendresse, sensualité ou mélancolie.
Á suivre naturellement dans nos étranges lucarnes et sur toutes les scènes de France, où le groupe, sans doute l’un des plus efficients du jazz actuel, et largement ouvert, grâce à son leader, sur toutes les influences extra européennes, se présentera dans la même configuration que celle du disque.
* Christian Larrède – Copyright 2012 Music Story
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