Group Areas Act / King Kong / Jazz Epistles
Hugh Ramopolo Masekela subit très jeune la discrimination raciale instaurée par le régime de l’apartheid. Sa région natale (Whitbank), riche en minerais (or, charbon) tombe dans les années 1950 sous le régime du “Group Areas Act” qui déplace les populations noires vers les ghettos. Avec sa grand-mère, Hugh prend le chemin de Soweto.
Johannesburg, qu’il découvre à l’âge de neuf ans en allant vivre chez ses parents constitue son premier contact avec la musique. Ceux-ci, passionnés de jazz, décident de lui payer des cours de piano (sa grande passion avec le football). Un groupe de libéraux dont l’évêque Huddleson soucieux d’encourager des jeunes talents lui offre sa première trompette et l’introduit auprès de « Uncle Sauda », leader du Johannesburg Native Municipal Brass Band qui le forme à l’instrument. Il rejoint bientôt le Huddleston Jazz Band, intègre ensuite l’African Jazz Revue, suit en tournée les Manhattan Brothers puis participe en 1958 à l’orchestre de la comédie musicale King Kong de Todd Matshikiza.
Sa seconde trompette lui sera envoyée des Etats-Unis par Louis Armstrong lui même sur la recommandation de l’évêque Huddleson réfugié aux Etats-Unis à la suite de son expulsion d’Afrique du Sud pour cause d’idées trop libérales. Le groupe Jazz Epistles qu’il forme en 1959 avec Kippie Moeketsi, Jonas Gwangwa, Makhaya Ntshoko et Johnny Gertze devient alors légendaire. Puis c’est l’aventure de l’African Jazz and Variety où il joue en compagnie de Miriam Makeba et de Kippie Moeketsi, son complice des Jazz Epistles.
L’aventure américaine
Grâce à John Dankworth et Cleo Laine, il obtient une bourse pour l’Angleterre puis en 1964, aidé financièrement par la Fondation Belafonte, il s’envole pour les Etats-Unis où il signe l’année suivante son premier album jazzy The Americanisation of Ooga-Booga. Etudiant pendant quatre ans à la Manhattan School of Music, le jeune Sud-Africain fait des rencontres enrichissantes (Herbie Hancock, Ron Carter, Donald Byrd, Stevie Wonder) et monte un groupe avec Larry Willis et Henry Jenkins qui se produit en 1966 au premier festival de Watts: le public découvre alors un jazz aux accents mbombela et aux sonorités zulu. Installé en Californie, il décide de se lancer dans la production, crée son label Chisa Productions et enregistre The emancipation of Hugh Masekela.
Bientôt ruiné, il cède son label à UNI Records qui sort Promise of the future vendu à quatre millions d’exemplaires. Suit Masekela aux rythmes proches des traditions sud-africaines et aux sujets brûlants. Il y évoque avec beaucoup de sentiment les doutes et les peines des mineurs sud-africains noirs, l’emprisonnement du leader noir Robert Sobukwe et fait un clin d’œil à Abdullah Ibrahim, Kippie Moeketsi et Philemon Hou en reprenant certains de leurs titres. Son album The Union of South Africa exprime la nostalgie de l’exilé : le titre “Shebeen” (bar clandestin) évoque les années passées dans le bar de sa grand-mère. Avec sa compatriote et chanteuse, Letta Mbulu, il intègre bientôt “Jazz Crusaders”, un des meilleurs groupes de jazz et de soul instrumental de l’époque puis part quelques années plus tard au Kenya produire de jeunes talents.
Hugh et Herb Alpert
Sa rencontre aux USA en 1977 avec Herb Alpert virtuose du latin jazz aboutit à l’album Herb Alpert and Hugh Masekela, un chaleureux et savant dosage de mbombela et de musiques latines. Installé au Botswana à la fin des années 1970, Hugh enregistre avec son ami guitariste John B “Longwe” Selolwane, alias Kalahari, deux albums :Techno Bush et Rain. En 1986, il réalise pour Hendring Limited la musique de A portrait of South Africa, un documentaire sur l’ oppression policière meurtrière et les combats des leaders d’Afrique du sud. Son jazz rythmique et swing combine jazz américain et sud-africain et s’offre des variations funk, zoul, dance, mbaqanga et même rap. Tomorrow (1987) avec Don Freeman est dédié aux enfants : il y chante en diverses langues africaines (zulu, tswana, sotho) sur des rythmes sud-africains à la sauce jazz ou funk.
Graceland
Paul Simon l’embarque bientôt avec Myriam Makeba et le groupe Ladysmith Black Mambazo dans l’aventure Graceland. Puis ce sera Wembley et l’émouvant 70° anniversaire de Mandela toujours confiné à Robben Island. Deux ans, plus tard, il renoue avec le chanteur anglais et assure la trompette dans The Rhythm of the Saints. La formule de Hugh Masekela, c’est “Home is where music is” : “ma maison, c’est là où se trouve la musique”. Toujours proche des siens et des luttes de son peuple au cours de ses années d’exil, “Brother Hugh” comme l’appelle affectueusement les sud-africains est une légende vivante dans son pays natal.
Retour d’exil
Rentré au pays où il a ouvert un éphémère club de jazz à Yeoville, le facétieux musicien s’est produit dans les années 1990 avec des artistes de kwaïto, comme Arthur et les Queens et la nouvelle génération du jazz sud-africain comme Don Laka. Depuis son retour au pays, Hugh Masekela a célébré Mandela (Hope, 1994), la nouvelle Afrique du Sud (Black to the Future en 1999, Spring en 2000, Revival en 2005) et a signé quelques albums faisant le tour d’une carrière de plus de cinquante ans (The Best of, The Chisa Years, Notes of life, Grazing in the grass), et même, en 2004, une autobiographie en compagnie de Michael Cheers portant le nom de son plus grand tube, “Grazing in the grass”.
En 2016, Hugh Masekela est sacré « Légende de l’année » aux MTV Africa Music Awards (MAMA), une cérémonie qui s’est déroulée le samedi 22 octobre 2016 à Johannesburg, en Afrique du Sud.
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