Ses débuts
Originaire d’Anboahangibe (ou Amboangibe), dans la région de Sava, au nord-est de Madagascar, Eusèbe Jaojoby s’initie aux chant dans les chorales d’église avant de partir s’installer en 1970 à Diego Suarez pour ses études. Mais très vite, le milieu musical le passionne et à quinze ans, il se plonge dans la vie nocturne de la ville. C’est au bar Le Saïgonais, qu’il fait ses débuts en 1972 en chantant avec Los Matadores qui joue de la variété internationale mais intègre également des morceaux et des instruments malgaches (kabosy, gorodao, percussions).
Depuis les années 1960, le salegy fait danser toute la Grande Ile grâce à l’Association Foklorique de la Côte est et à Freddy Ranarison, le pionnier de la guitare électrique dans le genre dont le jeu influencera profondément l’artiste en herbe. Eusèbe Jaojoby qui se produit avec les Players, tourne dans la région puis s’installe quatre ans plus tard dans la capitale.
Le roi du salegy
Etudiant puis journaliste à la radio nationale, il renoue avec la musique dans la capitale en jouant au bar du Hilton compagnie de la famille Rabeson, des jazzmen reconnus de l’île. Mais son activité de journaliste l’éloigne de la capitale pendant plusieurs années (il dirige le service de l’information de la radio nationale à Diego Suarez) et c’est en 1987, à l’occasion de la sortie de la compilation, « Les grands maîtres du salegy » qu’Eusèbe Jajoby se fait connaître hors de ses frontières avec le titre « Samy Mandeha Samy Mitady » qui lui vaut le titre de « Roi du salegy« . La chanson sera incluse dans son premier album international produit par l’Anglais Ian Anderson, « Salegy ! », paru en 1992 chez Rogue.
Autres projets
Son album « Velono », sorti en 1994 chez Label Bleu / Indigo, lui ouvre les portes à l’international. Quant à « E Tiako », enregistré en 1997, il connaît un franc succès avec le titre « Malemilemy ». L’opus « Aza Ariano » sorti en 2001 à l’occasion du festival des Musiques malgaches à la Villette à Paris, en France, confirme son succès et marque son soutien à Marc Ravalomana, alors maître d’Antananarivo, devenu depuis, président de Madagascar. L’album suivant, « Malagasy », enregistré à la Réunion avec quelques grandes pointures de l’île comme le grand maître du maloya Granmoun Lélé (« Mahoré ») et sorti en 2004, appelle à la réconciliation nationale.
Dépoussiérage du salegy
Et quand on dit toujours que c’est le créateur de « Tsaiky jôby » qui avait donné à cette musique ses lettres de noblesse, ce n’est pas exagéré. Car le grand mérite de l’homme d’Amboangibe, c’est d’avoir dépoussiéré le salegy, le débarrassant de son étiquette de musique primaire tout juste bonne à faire se trémousser des paysans abrutis de travail… La touche du maître ne prendra véritablement forme qu’avec « Samy mandeha samy mitady » : arrangements élaborés, batterie faisant la part belle à la caisse claire, distillant une rythmique souple et tranchante à la fois (Ah, ce contretemps ! Ah, ces breaks assassins !), guitares claires, aériennes (héritées directement des expériences de Freddy Ranarison, dans les années 1960)… Et par dessus tout cela, la voix très teintée de soul de Jaojoby, chaude et puissante, qui chante l’amour et la vie, dans le (franc) parler si caractéristique du Nord, empreint de sagesse ancestrale et de philosophie populaire. Où, pour la première fois, l’on se rend compte que le salegy peut aussi s’écouter, outre le fait qu’il ne fait plus danser idiot. Aux oubliettes le salegy hard minimaliste des années 1970 avec ses trois accords, ses solos de batterie et d’orgue Farfisa ! De sous-musique, le salegy passera, avec Jaojoby, bientôt imité par toute une vague de suiveurs plus ou moins doués (Mily Clément, Fenoamby, Ninie Doniah, etc.), au rang de culture. Et qui s’exporte très bien en plus. Qui dit mieux ? (1)
(1) Jaojoby : 30 ans de scène – Andry – Madagascar Tribune – Jeudi 12 octobre 2000
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