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A l’occasion de la sortie de son nouvel E.P. « Tables will turn » sorti le 16 Mai 2023, suivi d’une longue tournée internationale en 2023, Faada Freddy lève le voile sur les éléments les plus secrets de sa création, de son parcours et de son engagement. Méditation, lutte pour les femmes, retour au naturel, situation au Sénégal  : découvrez un Faada Freddy  méconnu.

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Sylvie Clerfeuille. Pourquoi vous appelle-t-on « baron » ?

Faada Freddy. C’est le parler des jeunes de Dakar. Quand on trouve quelqu’un d’excellent dans son domaine, on l’appelle baron.

S.C. Vous définissez votre musique comme une musique 100% organique et 0% technologique. Quelle est la signification profonde de cette démarche ?

F.F. Je joue divers instruments, le piano, la basse. A la base, je suis bassiste. J’essaie de reproduire avec la voix la tessiture des instruments, leur fréquence. Nous sommes saturés par plein de choses, nous sommes dans un monde pollué, dominé par les pesticides. Je veux approfondir ma démarche, aller vers quelque chose de plus naturel, de plus bio, en quelque sorte. Epurer ma musique au maximum.

S.C. Cette référence à la basse explique cette présence de la basse vocale dans votre musique assurée par Jean Marc Lerigab. Cette démarche de faire du corps et de la bouche des instruments à part entière a déjà été expérimentée par le musicien brésilien Hermeto Pascoal. Il travaille également avec tout son environnement pour produire des sons, l’air, l’eau, les casseroles en guise de percussions. Le connaissez-vous ?

F.F. Non, je ne le connais pas.

 

 

S.C. Votre musique est profondément spirituelle,  marquée bien sûr par le gospel mais vous êtes également un talibé (disciple) de Baye Niass, une confrérie marquée par les zikrs (invocation divine des soufis), une musique habitée et marquée par des techniques vocales s’appuyant sur le souffle, le vent, l’air. Est-ce que l’on peut parler d’une influence de cet héritage dans votre musique ?

F.F. Oui. Je suis profondément soufi et cela marque ma manière d’être. Je fais beaucoup de méditation, j’apprends constamment à me recentrer sur moi-même. On ne doit pas oublier que nous ne faisons qu’un avec le monde des humains. La lumière, la connaissance, les voiles que l’on lève sont la base de l’être humain.  La vie est infinie. Toute la vie devrait être une méditation. On n’est pas seul au monde, on est constamment en liaison avec les autres.

S.C. Vous avez repris magnifiquement plusieurs titres de Maxime Le Forestier « Né quelque part »  avec la chanteuse Anggun et « La musique est un cri qui vient de l’intérieur » de Bernard Lavilliers. Pourquoi ?

F.F. La musique libère les frustrations, nous apaise, fait appel à ce qu’il y a de plus profond en nous.  Je fais aussi des ateliers de musicothérapie avec des enfants autistes (à Fresnes, à Croizon où j’ai reçu une médaille d’honneur pour ce travail). C’est une expérience artistique et humaine formidable. Ces enfants, je les amène sur scène

 

S.C. Cet E.P a été conçu longtemps après le premier, « Gospel Journey », sorti en 2014. Pourquoi autant de temps entre ces deux oeuvres ?

F.F. Il y a eu le Coronavirus. Quand ça s’est arrêté, on est enfin sorti de prison. J’ai profité du confinement pour travailler en studio, composer, écrire, ça m’a libéré. Et puis je sortais d’une tournée de quatre ans avec Daara-J. J’avais besoin d’une pause. « Tables Will Turn » exprime cet enfermement dans lequel nous sommes, par seulement à cause du virus mais d’une manière générale, avec la montée de l’intelligence artificielle en particulier et de l’internet qui prend le dessus. Dans cet E.P., je parle de l’amour. Je dis : « L’amour ne connait pas de blâme. L’amour, c’et le pardon, c’est un combat de tous les jours. Il n’est jamais acquis. Si on abandonne ce combat, on perd, on devient vide ».

S.C. Le Sénégal est actuellement dans la tourmente politique, avec le procès d’Ousmane Sonko, la question du troisième mandat de Macky Sall. Que pensez-vous de la situation ?

F.F. Le grand problème de notre pays, c’est la convoitise, l’injustice. Tant qu’il n’y aura pas de justice, il n’y aura pas de paix. La population a besoin de se sentir protégée, de se sentir en sécurité. Il nous faut une justice impartiale et l’heure est aujourd’hui au dialogue.

S.C. Vous êtes un homme d’engagements. En 2012 notamment, vous avez fait une tournée avec l’UNICEF pour sensibiliser la population sénégalaise au problème des mariages forcés, de l’excision et plus généralement de la nécessité de donner l’accès à l’éducation aux jeunes filles. Pourtant lors de cette tournée, à Kolda, on vous a jeté des pierres et on vous a blessé. Comment réagissez-vous face à cette violence ?  

F.F. Quand j’ai reçu cette grosse pierre qui m’a frappé à la tempe, je suis tombé et toute l’équipe disait « ne remonte pas sur scène, c’est dangereux » mais je me suis relevé et j’ai chanté et j’ai continué la tournée car je voulais avoir le dessus. Il faut parler, chanter, dénoncer les violences faites aux femmes notamment le viol, lutter pour une société plus équilibrée. Je ne me laisse pas intimider. Je sais pourquoi je chante, pour quel but. Ma musique n’est qu’un grain de sable pour un combat plus grand que moi. La musique c’est risqué. Je le sais et je l’assume.

S.C. Vous êtes passé à l’émission « Taratata » sur France 2 qui est une véritable rampe de lancement pour le grand public en France ? Quel souvenir en gardez-vous ?

F.F. Je ne regarde jamais les replays. Je préfère me concentrer sur les concerts et la tournée qui se prépare.

S.C.Merci Faada Freddy et bravo pour cet E.P. magnifique et pour vos engagements.
S.C.Retrouvez la chronique de l’album et le détail de la tournée sur les liens suivants.

Golden Cages – Afrisson.com

Faada Freddy – Tournée française – Du 20/05 au 10/11/2023 – Afrisson

 

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À propos de l'auteur

Sylvie Clerfeuille

Sylvie Clerfeuille

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