Née le 25 février 1968 à Bamako, Oumou Sangaré, incarnation d’une nouvelle génération de chanteuses maliennes et militantes de l’émancipation des femmes, vient d’une famille originaire du Wassoulou, une région historique au sud du Mali, mais aussi un style musical (wassoulou) qui va l’influencer profondément.
« Mogoya » (2017 – No Format !), premier album d’Oumou Sangaré depuis 2009, marque son grand retour à la chanson. Oumou y parle de ce qu’elle connaît le mieux, à savoir les rapports humains (« Mogoya » peut se traduire par « les relations humaines d’aujourd’hui) ». Oumou explique les problèmes spécifiques que rencontre la femme africaine au quotidien, les rapports souvent difficiles qu’elle entretient avec le monde des hommes.
« Quand j’ai débuté ma carrière je n’avais qu’une idée en tête : venger ma mère » nous dit celle qui aujourd’hui dans Minata Waraba (Aminata la lionne) rend un bouleversant hommage à cette mère ayant montré face aux épreuves un courage exemplaire dont la fille s’est toujours inspiré. Or, après avoir subi des blessures d’enfance parmi les plus cruelles – l’abandon du père, l’extrême misère – Oumou doit aujourd’hui se protéger des maux que la notoriété lui attire : la jalousie, la calomnie, l’ingratitude, la trahison.
Autant d’atteintes dont « Mogoya » exprime le dépassement par la musique, notamment sur des chansons telles que Bena Bena et Kounkoun où elle invite à ne pas sombrer dans le ressentiment.
Dans Yere Faga, en featuring avec le batteur expert de l’afro-beat nigérian Tony Allen), Oumou Sangaré aborde avec une impressionnante franchise l’un des fléaux que connaît la société malienne moderne, le suicide.
Faisant référence aux nombreuses calomnies qui l’ont prise pour cible ces dernières années, elle donne en exemple sa volonté à ne jamais s’avouer vaincue. Parce qu’elle a du dès son plus jeune âge assumer des responsabilités au sein d’une famille abandonnée par son chef, elle est en mesure de dispenser des conseils de grande sœur. Comme sur Kamelemba où elle prévient les jeunes filles de la fourberie de certains garçons dans une partie du monde où le phénomène des maternités précoces est dramatique.
Si le nom d’Oumou Sangaré demeure associé à la remise en cause de coutumes ancestrales, telles que la polygamie et l’excision, il peut l’être également, avec les chansons Mali Niale, Djoukourou et Fadjamou, à la promotion de certaines valeurs dites traditionnelles.
Dans la première, elle exalte les forces vives de son pays, le Mali, qui tente de se relever d’une crise multiple. Dans la seconde, elle expose cette idée élémentaire qu' »on a toujours besoin d’un plus petit que soi. » Enfin dans la troisième, elle vante les mérites de l’appartenance, ethnique ou dynastique, dans une société édifiée sur l’interdépendance entre groupes et familles.
En cela « Mogoya » équivaut au parachèvement d’une conquête, celui d’un équilibre personnel pour cette battante qui donne l’exemple après s’être tracé une voie royale en dépit des préjugés et des obstacles rencontrés. Un équilibre qui est aussi d’ordre musical avec la production de cet album décidément pas comme les autres…
Le projet a été produit entre Stockholm et Paris, avec la contribution du collectif de musiciens français (Vincent Taurelle, Ludovic Bruni et Vincent Taeger), et la participation du légendaire batteur nigérian Tony Allen. À partir d’une base enregistrée par le Suédois Andreas Unge, dans laquelle explose notamment le talent du jeune guitariste malien Guimba Kouyaté, Albert a ajouté sa french touch, réalisant l’imbrication parfaite entre instruments traditionnels africains (kamélé ngoni, carignan (grattoir en métal), percussions…) et corpus guitare, basse, batterie, claviers.
Si l’expression rétro futuriste n’était à ce point galvaudée, on souhaiterait l’attribuer à cet album qui nous parle d’une Afrique aussi éternelle que contemporaine et qui constitue à n’en pas douter l’un des plus beaux achèvements musical de la carrière d’Oumou.
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