Tony Allen, Fela Anikulapo Kuti, Africa 70 et l’afro-beat
Tony Allen commence à travailler comme technicien radio, tout en s’adonnant aux percussions et à la batterie, influencé par le Ghanéen Kofi Ghanaba, nourri de highlife mais aussi par le modern jazz américain d’Art Blakey, d’Elvin Jones ou Max Roach.
Il débute dans la musique comme batteur du célèbre trompettiste Victor Olaiya, figure emblématique de la scène nigériane des années 1950/1960, aux côtés de Fela Ransome Kuti, alors chanteur du groupe. Il joue ensuite au sein de plusieurs groupes : Agu Norris & The Heatwaves, The Nigerian Messengers et The Melody Makers. En 1964, il devient le percussionniste et le batteur de Koola Lobitos, le premier groupe de Fela Ransome Kuti, adepte de highlife, de jazz et de soul et de rhythm’blues. Les deux artistes enregistrent ensemble cette même année un premier album, Fela Ransome Kuti and His Koola Lobitos. C’est au cours de leur séjour américain que les deux complices qui jouent avec des musiciens noirs américains et font la connaissance de militants des Black Panthers, s’engagent politiquement. Dès leur retour au Nigeria, Fela Ransome Kuti devient Fela Anikulapo Kuti, change le nom du groupe Koola Lobitos en Africa 70 et s’oriente vers un nouveau courant musical marqué par le jeu spécifique très polyrythmique de la batterie assuré par Tony Allen, devenu son chef d’orchestre . Naît alors l’afro-beat, une fusion de juju nigérian des Yoruba, de highlife ghanéen, de jazz et de soul. Cette musique énergique désormais chantée en pidgin (ou broken english, sorte de créole à base lexicale anglaise parlée), soutenue par une impressionnante rythmique basse (batterie/guitare basse) et des percussions puissantes, est relevée par des guitares percussives et des envolées de cuivres envoûtantes.
“Sans Tony Allen, il n’y aurait pas afro-beat”, disait Fela Kuti dans une interview au quotidien britannique The Independent. “Fela avait l’habitude d’écrire les partitions pour tous les musiciens de l’orchestre, mais moi, j’étais le seul à produire (créer) la musique que je jouais”, confie Tony Allen au même journal.
De 1970 à 1979, Tony Allen est un élément clé de la formation : il participe, en tant que batteur, chef d’orchestre, directeur artistique et souvent arrangeur, aux enregistrements d’une trentaine de disques de Fela Kuti, dont certains en tant que leader : Jealousy (1975), Progress (1977), Jealousy / Progress (1978), No Accommodation For Lagos (1979).
Tony Allen en solo
L’aventure entre les deux artistes s’achève en 1979 : suite à des dissensions avec Fela avec qui il a tourné dans le monde entier, Tony Allen se lance dans une carrière solo et monte alors son propre groupe, The Afro Messengers. Il enregistre la même année, dans le studio de Phonogram à Lagos, l’album No Discrimination, produit par le label Shanu Olu Records. Cette oeuvre personnelle révèle son nouveau style musical, l’afro-funk, un croisement de highlife ghanéen, de funk, d’afro-beat, de jazz, de R&B. En 1984, le compositeur et batteur nigérian s’installe à Londres et signe l’album N.E.P.A. (Never Expect Power Always) enregistré avec son nouveau groupe, Afrobeat 2000 , au studio Addis-Ababa. Son style résolument afro-funk intègre de nouvelles couleurs musicales comme le dub, l’électro et le rap. 1985 signe son installation dans la capitale française et de nouvelles perspectives : l’artiste nigérian se penche sur diverses musiques expérimentales et enregistre en 1989 Afrobeat Express, sur le label Cobalt, un album afro-beat, afro-funk à la polyrythmie puissante.
Collaborations diverses
L’année 1998 sera déterminante, marquée par sa rencontre au Cithéa , un club parisien, avec Manu Boubli et Eric Trosset, deux Français amoureux de musiques électro, Les deux mélomanes fondent bientôt le label Comet Records et sortent en 1999 Black Voices, un opus aux couleurs afro-beat, funk, rock, hip hop, réalisé avec Sébastien Martel (guitare), César Anot (basse) et Liam Farrell aka Doctor L. (percussions). Encensé par la critique, cette œuvre signe sa reconnaissance dans l’hexagone et relance sa carrière qui prend une tournure internationale.
Suivront alors plusieurs albums. The Allenko Brotherhood Ensemble sorti en 2001 réunit des remix techno–funk, électro–afro-beat, dub et rap de certains titres initialement enregistrés avec son groupe Afrobeat 2000. Every Season sorti en 2002, un single afro-beat, afro-rock, afro-funk, électro, hip hop, est réalisé en featuring avec l’auteur, compositeur et pianiste anglais Damon Albarn (chanteur de Blur-Gorillaz). On retrouvera également ce dernier au chant sur “Every Season” de Home Cooking, un album afro-beat, funk, électro, dub, enregistré au studio Soho à Londres, avec plusieurs artistes de premier plan (Kehinde Allen aux chœurs, Show Boy aux sax ténor et baryton, Cesar Anot à la basse, Jeff Kellner à la guitare, Afola Bi Mufutau aux percussions, Anthonia Pagulatos au violon, Eska Mtungwazi aka Eska au chant (“What’S Your Fashion”) ou encore Ben Chijioke aka Ty au rap). Sorti en 2004, Tony Allen Live regroupe des titres joués dans divers lieux et festivals en France, au Commodore Ballroom à Vancouver, au Canada, à Montreux Jazz Festival, en Suisse, au Forum Social Mondial à Sao Paulo, au Brésil…
Batteur araignée à la polyrythmie puissante et inimitable, Tony Allen collabore dès lors avec de nombreux artistes, dont Charlotte Gainsbourg, Ernest Ranglin, Roy Ayers, Sébastien Tellier, Ray Lema, Paul Simonon et Simon Tong, King Sunny Ade ou encore Manu Dibango.
Lagos No Shaking, le retour aux sources
Lagos No Shaking signe un retour aux sources de l’artiste. En 2006, les responsables du label anglais Honest Jon’s Records décident en effet de se rendre avec lui à Lagos (Nigeria). Après 22 ans passés en Europe, il retrouve les studios de Lagos pour ue série d’enregistrements . On y découvre Olagunju Fatai Olayiwola aka Fatai Rolling Dollar, le doyen de la musique nigériane à la voix rauque proposant sur le titre “Awa Na Re”, une fusion de musique apala, d’afro-beat et de fuji soutenu par de belles trouvailles rythmiques,assurées par le duo batterie/percussions Tony Allen/Yinka Ogunye. Cet album afro-beat a également des accents soul music , une couleur donnée par la chanteuse nigériane Yinka Davies, De nombreux musiciens participent à cet album roots : Onyeka Okorie (basse), Oscar Elimbi (guitare), Omoiolu Ogunleye (claviers), Yinka Ogunye (percussions), Rilwan Faqbeni (sax baryton), Deolu Ogunsanya et Lekan Animashaun (sax ténor), Fred Fisher (trombone), Biodun Adebiyi et Olufesobi Afoiabi (trompettes), sans oublier le rappeur Muritala Adise et les choristes Elizabeth Deacha, Iyabo Ganiyu, Joanne Emi, Larry Azuka et Mama Eke.
Tony Allen et Damon Albarn
En 2007, la rencontre avec Damon Albarn est une étape supplémentaire dans sa reconnaissance internationale. Il rejoint The Good, The Bad and The Queen, le nouveau groupe l’artiste avec lequel il tourne dans le monde entier, Il retrouvera ce dernier en 2012 sur l’album Rocket Juice and The Moon, aux côtés du bassiste Flea de Red Hot Chili Peppers, de la chanteuse Fatoumata Diawara et du claviériste Cheick Tidiane Seck. In The Name of Love : Africa Celebrates U2 (2008) est un hommage à l’Irlandais Bono, chanteur lead, guitariste et harmoniciste du groupe de rock U2 pour son engagement humanitaire en Afrique. Quant au titre « Go Back », c’est une sorte de ballade poignante écrite et composée avec Damon Albarn, invité ici au chant et aux claviers. Sur une trame rythmique sensuelle et hypnotique, les deux musiciens l’ont réalisée en hommage aux réfugiés d’Afrique qui échouent sur l’île de Lampedusa au large de l’Italie.
Tribute to Fela Kuti
Tony Allen a signé plusieurs œuvres personnelles comme Secret Agent (2009) et Film of Life (2014 – Jazz Village). En 2013, il est du projet Red Hot + Riot, une compilation hommage à Fela Anikulapo Kuti, aux côtés de plusieurs autres artistes, dont Kuku (en featuring avec Baloji & L’orchestre de la Katuba), Angélique Kidjo et Akua Naru, Spoek Mathambo, Nneka (avec Sinkane, Abraham Amayo et Superhuman Happiness), Just A Band et Childish Gambino…
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