Ali Farka Touré, le père « roi du blues du désert »
Né en 1982 à Niafounké (« enfant de la même mère » en songhaï), à 250 km au sud-ouest de Tombouctou, Boureima Touré plus connu sous le nom de Vieux Farka Touré descend de la noblesse Arma (proche de l’ethnie Songhaï) au nord du Mali – dans certaines communautés africaines, lorsqu’on porte le prénom de son grand père, on est surnommé « Vieux » ou « Pape » (ou « Papa »). Vieux Farka Touré grandit entre le calme de Niafounké, le village d’adoption de la famille dans le désert du Sahara près du fleuve Niger, et l’agitation de Bamako, la capitale malienne. Il manifeste très tôt un talent précoce pour la musique (batterie, calebasse) mais son père, le guitariste Ali Farka Touré (1939-2006), primé deux fois aux Grammy Awards aux USA pour les albums Talking Timbuktu (avec Ry Cooder – 1995) et In the heart of the moon (avec Toumani Diabaté – 2006), lui interdit de poursuivre dans cette voie et lui ordonna de suivre les pas d’un grand-père dont il portait le nom et d’entrer dans l’armée – son grand-père, Boureima Touré, militaire dans l’armée française, meurt pendant la guerre 1939/1945 alors qu’Ali Farka Touré, futur « roi du blues du désert » (afro-blues) et maire de Niafounké, est tout petit.
Toutefois Vieux Farka Touré n’étouffe pas ses ambitions artistiques et continue à s’initier en autodidacte et en secret. « Mon père ne voulait pas que je fasse de la musique car comme il est n’a pas été à l’école et ne savait ni lire ni écrire, ses premiers producteurs et agents artistiques lui faisaient signer des contrats sans qu’il comprenne le contenu. Ainsi il était arnaquer à ses débuts et ne gagnait pas sa vie avec la musique. Il voulait alors me protéger et désirait que je fasse l’armée ou je fasse des études pour avoir un emploi stable et rémunérateur. C’est quand il a rencontré Nick Gold, le boss du label anglais World Circuit, qu’il a commencé à vivre de sa musique. J’ai alors fait l’Institut national des arts de Bamako et quand j’ai eu mon diplôme, il m’a donné le feu vert pour faire de la musique et m’a beaucoup soutenu ».
Passage de flambeau
Son style particulier de « blues africain » (afro-blues) s’enracine fermement dans la tradition tout en incorporant une fascinante palette moderne, notamment les riffs de guitare « hendrixiens ». Il parachève son apprentissage en tournée avec Toumani Diabaté, brillant maître de la kora (harpe-lyre africaine à 21 cordes) et aussi – enfin! – en se produisant avec son père en tant que guitariste ou joueur de calebasse comme en 2005 au festival Images et Paroles d’Afrique de Privas en France où ils jouent pour la première fois sur scène – la même année, il signe avec le label américain Modiba Productions d’Eric Herman et sort un an plus tard son premier album éponyme. Impressionné par le talent de son fils, Ali Farka Touré se résout à l’inévitable et lui donne sa bénédiction inconditionnelle. Deux des derniers enregistrements avec son son père, « Tabara » et « Diallo », témoignages discographiques des prestations communes du père et du fils, signent le passage de flambeau de « Monsieur le Maire de Niafunké » à son successeur désigné. « Avant de mourir, le plus célèbre guitariste-chanteur du Mali, Ali Farka Touré, conseilla à son fils d’emporter la tradition comme boussole pour le guider dans ses voyages au long cours à travers d’autres mondes musicaux. A en juger par ce premier album, le fils a bien retenu la leçon ». En 2006, certains titres de l’album, remixés dans une version plus rythmée, ont fait l’objet d’un album intitulé Remixed: UFO Over Bamako.
Ali Farka Touré a aussi légué à son fils le surnom « Farka » qui signifie « âne », surnom qu’il avait reçu en raison du caractère difficile de l’animal, de sa résistance et de sa force et parce qu’il était le 10 ème enfant de la famille à avoir survécu à la maladie dans son enfance, contrairement à ses frères et sœurs. En plus du style musical, l’afro-blues, Vieux Farka Touré a hérité de son père sa fameuse guitare argentée, conservant du même coup, le même son…
A la disparition d’Ali Farka Touré le 7 mars 2006 à Bamako (Mali), des suites d’un cancer, Vieux Farka Touré (guitare, voix), accompagné du jeune virtuose de la kora Sidiki Diabaté (fils de Toumani Diabaté), alors âgés respectivement de 24 et 14 ans, perpétue la tradition en diffusant le blues sahélien initié par son père au festival dont il était le parrain, “Image et Paroles d’Afrique” de Privas dans l’Ardèche en France. Vieux & Sidiki représentaient à cette occasion leurs pères qui étaient programmés à l’origine, Ali & Toumani.
Touré – Raichel, le pont culturel
Depuis son premier disque éponyme (2006), Vieux Farka Touré rend régulièrement hommage à son père Ali Farka Touré, la légende du blues songhaï malien (afro-blues). Comme c’est le cas dans ses albums produits par son nouveau label américain, Six Degrees Records. Sorti en 2009, Fondo (La route), dont une version remixée, témoigne du désir de Vieux, jusque-là dans l’ombre du papa, de suivre sa propre voie, de créer sa propre musique, en y injectant des riffs de guitare rock et des couleurs reggae. Suit, en 2010, Live, réunissant 9 titres extraits de ses concerts en Australie (Thornbury Theatre, Brisbane Powerhouse, The Independent) et aux Etats Unis (Colorado College). The Secret (2011), intitulé du disque enregistré avec son père, c’est le secret du blues sahélien mais aussi l’album de la maturité. La même année, il accepte de se rendre aux USA pour recevoir le prestigieux Award de feu, son père Ali Farka Touré, pour l’album Ali & Toumani, réalisé avec l’expert de la kora mandingue, Toumani Diabaté.
The First Grader Soundtracks
En 2010, Vieux Farka Touré participe, avec sa chanson « Courage » (feat. Issa Bamba & Eric Herman), à la bande sonore réalisée par le compositeur de musique de film britannique Alex Heffes pour « The First Grader » (Le plus vieil écolier du monde), une comédie dramatique américo-kényane du réalisateur et acteur britannique.Justin Chadwick. »The First Grader Soundtracks » remportera le « Prix Discovery of the Year » (Découverte de l’année) aux World Soundtrack Awards 2011 à Hollywood et « Meilleur Soundtrack » aux Image Awards 2012 (USA). Quant au film, il sera nominé 12 fois et récompensé 17 fois.
Mon pays
Deux ans plus tard, Vieux Farka Touré enregistre Mon pays (2013), un disque dédié à son pays, le Mali, qui connaît un conflit armé opposant dans le nord du pays l’armée régulière malienne aux rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) et au mouvement Ansar Dine, alliés à d’autres mouvements islamistes. Cette tragédie est directement évoquée dans le titre « Yer Gando ». Entre-temps, Vieux Farka Touré est invité à Tel Aviv par l’auteur, compositeur, claviériste, pianiste et accordéoniste, Idan Raichel, pour des sessions qui donneront naissance, en 2012, à l’album The Tel Aviv Session : The Touré-Raichel Collective, un pont culturel entre le Mali et Israël.
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