Depuis plusieurs mois, le monde vit sous le joug de la Covid 19. Cette dernière, comme son nom tristement prophétique l’indique, a creusé un grand vide sur la scène musicale africaine, emportant plusieurs de ses figures emblématiques. Le temps est donc celui de la mémoire …
Victimes de la pandémie ou tout simplement partis pour d’autres causes vers le paradis des musiciens, pionniers d’un mouvement musical qui a, aujourd’hui, grâce à eux, droit de cité sur la planète entière, tous ces artistes méritent qu’on leur rende un dernier hommage, ému et panafricain.
En cette année 2020, la scène nigériane n’a pas été épargnée. Elle a en effet perdu deux artistes incontournables. « Batteur araignée » dont le jeu aérien déployait avec magie la richesse de ses polyrythmies, Tony Allen était aussi un des pionniers de l’afro-funk. Il nous a quittés le 30 avril, à Paris, un mois tout juste après la sortie de l’album « Rejoice », dialogue inoubliable avec le maître de la trompette sud-africaine Hugh Masekela. Pour célébrer ce batteur polymorphe, notre spécialiste du monde anglophone, la sud-africaine Nicky B, lui a consacré une playlist que vous pouvez découvrir ci-dessous. Décédé le 1° juin, son compatriote Majek Fashek, fut une des grandes figures du reggae continental, révélé par l’album « Prisonner of conscience ». Composé en 1987, le titre « Police brutality » semble tristement contemporain après l’embrassement planétaire suscité par la mort de George Floyd. Dans son pays natal, Majek Fashek était surnommé «The high priest who does not lie », « le grand prêtre qui ne ment pas ».
Avant de nous quitter le 24 mars, le jazzman camerounais Manu Dibango a eu l’élégance de nous offrir en 2019 « Safari Symphonique », forme de rétrospective de son oeuvre immense et éclectique, inscrite sur tous les continents, un voyage entre classique, jazz, blues, funk et musiques africaines. Le 22 Mai à Conakry, le suivait Mory Kanté, le rocker mandingue, qui a salué une dernière fois, par vidéo, à l’occasion de l’Africa Day, son continent. Cela se passait le 25 Mai, soit, miracle de la technologie, trois jours après son départ. Une playlist de Nicky B vous fait redécouvrir ses titres les plus emblématiques. Mais ce triste tour d’horizon ne serait pas complet sans Aurlus Mabélé alias « le grand Gourba » parti le 19 Mars. Cet artiste originaire de Brazzaville contribua à la renaissance de la rumba congolaise et du soukouss dans les années 1980.
Aux côtés de ces artistes clés, il y eu aussi, on doit s’en souvenir avec affection tant ils ont contribué à faire émerger ce mouvement musical, des promoteurs infatigables. Disparu le 16 Mars, le journaliste Jean Michel Denis signa dans la presse africaine et à Paris Match Afrique des articles passionnés sur une scène qu’il suivait depuis plus de 40 ans tandis que le producteur Cyriaque Bassoka, parti le 9 Avril, était un producteur et un promoteur des musiques congolaises et ivoiriennes. Il soutint notamment Saintrick et les Tchielly, Extra Musica, Pamelo Mounk’A, Les Bantous de la Capitale et, depuis quelques années, avait lancé en région parisienne le concept de « guinguette africaine » pour rapprocher publics africain et français.
Alors, chers internautes plongez vos yeux et vos oreilles dans la vie et l’œuvre de tous ces bâtisseurs du son africain. Composé de spécialistes, l’équipe d’Afrisson vous offre des biographies et des analyses détaillées de tous ces artistes sans oublier des playlists et un parcours sonore retraçant la puissance et la richesse de leur œuvre. On ne vous oublie pas, chers disparus, car, comme le disait si bien le poète Birago Diop,
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis.
Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l’arbre qui frémit,
Ils sont dans le bois qui gémit,
Ils sont dans l’eau qui coule,
Ils sont dans la case,
Ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts.