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“Né en 1959 à Dakar, au Sénégal, Meïssa Mbaye est un auteur-compositeur, multi-instrumentiste, chercheur et baryton à la voix hors du commun. Dans un style entre afro-folk, afro-blues, afro-fusion, musique acoustique, il valorise le patrimoine national chanté en wolof, sérère ou français ? Cette musique est soutenue par des instruments traditionnels comme la sanza (kongoma), le xalam, les poteries, la calebasse, l'udu (oudou.”

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Né en 1959 à Dakar (Sénégal), l’auteur, compositeur et multi-instrumentiste Meïssa Mbaye a reçu le surnom de « prince des poètes » de par sa descendance familiale, à la fois lignée royale et lignée de guewels (griots). Il a été initié par son frère à l’écriture et aux chants religieux et traditionnels de son pays afin de perpétuer et de transmettre l’Histoire et la mémoire du Sénégal à son peuple.

Kunta Kinte

Riche de toute une tradition de la musique africaine, il s’installe en France en 1983 pour y poursuivre ses études, avec « l’idée secrète » de faire de la musique. En 1986, il fonde, avec Amadou Mbaye et Badara Madior Mbaye (Lead Vocals), le groupe Kunta Kinte (du nom du héros de la série télévisée américaine « Racines » qui relate le parcours d’un esclave déporté, et l’histoire de sa descendance en Amérique) : « Il s’agissait de revendiquer le lien musical avec la diaspora afro-américaine. On était bercé autant par Wilson Pickett que par Nougaro ou les Touré Kunda, c’était de l’afro-pop ! ». Il enregistrera avec Kunta Kinte une cassette éponyme comprenant « Aye Mama Africa » (1990), Mais Meïssa Mbaye se rend compte qu’il a ses projets et sa propre route. En 1990, il retourne pendant un an au Sénégal pour y enregistrer des sons de la vie quotidienne, des cérémonies familiales et des chants polyphoniques. A son retour, le groupe enregistre « Senegaal » (1992) et « Occitan’Africa » (1998), et tourne énormément en France et en Europe.

Night in Casamance

En 1992, Meïssa Mbaye quitte Kunta Kinte. Quatre ans plus tard, il part à Atlanta, dans le sud des Etats-Unis, où il devient professeur de chants polyphoniques africains. Il apprend énormément dans les chorales des églises protestantes, s’initie à la culture africaine-américaine, et côtoie des chanteurs comme Agile du groupe Arrested Development. A son retour d’Amérique, il sort son premier album solo « Night in Casamance » (1999 – Frémeaux et Associés). C’est le début d’un long chemin intime où il revisite l’œuvre de Léopold Sédar Senghor (1906-2001) et retourne au Sénégal, jusqu’au royaume d’enfance du père de l’indépendance sénégalaise. Tout en créant une musique originale, il développe des ateliers pédagogiques avec des lycées sénégalais et français. Car Meïssa Mbaye est wolof et ne connaît guère le terroir sérère qui a vu naître son parolier d’exception. « A Joal, village natal de Léopold Sédar Senghor, j’ai rencontré l’un de ses neveux. Il m’a introduit à la culture sérère qui est vraiment à la source de sa poésie », confie-t-il.

En 1999, le poète Senghor est au programme du bac français, et Meïssa propose un projet à l’Education nationale. Sous forme d’un cycle de conférences intitulé « Senghor, itinéraire d’un enfant nègre », ce projet a reçu le soutien du Rectorat de Paris, de l’Unesco et du Printemps des Poètes. Cette présentation mélange récits, images et poèmes et flirte déjà avec la musique, puisque Meïssa chante certains textes, s’accompagnant d’instruments acoustiques. C’est ainsi que ce descendant de guewels (griots) renoue avec l’une des vocations essentielles de ses aieux : enseigner. Meïssa Mbaye se présente comme « un artiste citoyen » et met son art au service de l’éducation populaire (voire de la rééducation puisqu’il a animé des ateliers à l’Institut des Sourds de Paris). Conjointement à son projet pédagogique, Meïssa Mbaye enchaîne une série de concerts de promotion de son album « Night in Casamance » dans toute la France : interventions pour des formations à Arles autour de jeunes rappeurs, constitution de chorales polyphoniques africaines en région parisienne… Il travaille notamment pour le Festival Banlieues Bleues qui fait appel à lui pour préparer avec Ray Lema des ateliers pour la Carnavalcade de Saint-Denis en juin 2000.

Afric’Art / Entre Seine et Sine

En 2002, il fonde l’association Afric’Art, implantée à Dakar (Sénégal) (devenu plus tard Keur Meïssa – Café Poésie) et à Malakoff (banlieue parisienne). Son but est de viser à favoriser les échanges artistiques Sud-Sud et Nord-Sud. « Nos principaux objectifs sont d’établir des liens de citoyenneté via l’expression artistique et esthétique, sous ses formes les plus authentiques, de permettre à différents modes d’expressions artistiques de cohabiter, de montrer que le dialogue peut se faire par des contacts directs et enrichissants sur des bases réelles de communication inter-culturelle. »

Meïssa Mbaye se retire en Bretagne en 2004 pour composer son deuxième album, « Entre Seine et Sine » ; il se laisse envahir par les textes qu’il a choisis, à la recherche de mélodies pour les porter : « Il fallait que les mélodies soient accessibles et que chaque chanson ait sa propre carte d’identité… sa couleur ». Des mélodies métisses où la kora, le xalam, l’accordéon ou le violon s’intègrent harmonieusement. « Entre Seine et Sine », comprenant dix des poèmes les plus connus de Léopold Sédar Senghor, dont « Femme noire », « Thiaroye », « Joal », sort en septembre 2005 chez Nocturne. Dès lors, Meïssa Mbaye entame une série de concerts en Europe, démarrée en France, puis en Afrique, d’ateliers pédagogiques et de résidences artistiques jusqu’en 2007 – l’année 2006 fêtant le centenaire de la naissance de L.S. Senghor.

Back to Africa

Dans le sillage poétique de « Entre Seine et Sine », il enregistre « Back to Africa » (2007 – Nocturne), un album célébrant les retrouvailles de cousins séparés par les siècles et les eaux, celles du tragique Atlantique noir. Cet opus s’inspire de l’anthologie de l’universitaire Daouda Ndiaye, « Le retour du pigeon voyageur », recueil de textes traduits en wolof des auteurs surgis de l’autre côté de l’océan, héritiers d’une diaspora disséminée du nord au sud de l’Amérique, tous porteurs des fragments d’une mémoire que l’on crut enfouie à tout jamais dans les cales des négriers. Ou plutôt de mémoires d’Afrique, puisque cette histoire s’écrit aux pluriels de tous ses subjectifs. « Ce n’est ni une dilution de l’Afrique dans un universalisme abstrait ni une fragmentation d’une Afrique se complaisant dans un ghetto. Il s’agit d’une dynamique culturelle qui ne perd pas son âme », résume Meïssa.

Voilà ce dont parlent tous ces fils d’Afrique, dans le double sens du terme. Certains ont connu l’esclavage, comme les Etats-uniens Phillis Wheatley et George Moses Horton, le Péruvien Manuel Gonzalez Prada et le Brésilien Luis Gama. D’autres eurent leur heure de gloire comme le premier poète afro-américain reconnu, Paul Laurence Dunbar, et Marcus Garvey, le charismatique leader de la cause panafricaine…mais aussi l’Américain Langston Hughes et le Jamaïcain Claude McKay, deux des voix les plus singulières de la Harlem Renaissance. D’autres enfin, comme le Cubain Nicolas Guillen et l’Haïtien Jacques Roumain, ont prolongé les écrits de leurs pairs pour les inscrire dans la Négritude, le mouvement littéraire qui prend racines dès les années 1930 et se prolonge bien après. Les voilà regroupés dans ce projet.

Keur Meïssa – Café Poésie

En décembre 2008, Meïssa MBaye et son manager Catherine Morice ouvrent Keur Meïssa – Café Poésie, un lieu d’échanges culturels. Y sont programmés notamment des groupes de musique traditionnelle, des conteurs et des poètes s’exprimant dans diverses langues.

D’une capacité d’accueil de 150 à 200 personnes, doté de chambres d’hôtes, bar-restaurant-dibiterie, Keur Meïssa – Café Poésie accueille des artistes en résidence, des expositions, des conférences-débats. Il sert aussi de studio de répétition et d’enregistrement.

Emotions blanches et nègres

En 2014, Meïssa Mbaye, surnommé « le prince des poètes » ou « le Léo Ferré africain », lance « Emotions blanches et nègres », un projet musical et pédagogique qui rend hommage à deux grands maîtres de la littérature française : Léopold Sédar Senghor (1906-2001), poète, écivain, chantre de la négritude et homme d’Etat sénégalais, et Paul Valéry (1871-1945), écrivain, poète et philosophe français. Ce titre évocateur est un clin d’œil à la célèbre citation de Léopold Sédar Senghor : « L’émotion est nègre et la raison est hellène ».

Le projet « Émotions Blanches et Nègres » croise ces deux poètes majeurs de la langue française par un opéra poétique autour du thème de la femme et de l’amour. En effet, il met en musique des poèmes de Paul Valery (« Corona » et « Coronilla » : les correspondances amoureuses de Paul Valery avec Jeanne Loviton).

Il s’agit de construire une musique autour de chaque poème, avec un arrangement particulier. C’est une musique pensée, réfléchie, bien élaborée, qui accompagne les poèmes. . Ces textes chantés à la manière griottique sont soutenus par une musique donnée par des guitare, xalam, balafon, udu, sanza, calebasse, kora

Le comité artistique du XVème Sommet de la Francophonie tenu à Dakar, au Sénégal, en novembre 2014, a voulu que Meissa Mbaye réunisse ces deux grands poètes académiciens. Le projet a alors obtenu « le label de la Délégation pour l’Organisation du XVe Sommet de la Francophonie ».

Cette activité multiculturelle a permis la réalisation de résidences artistiques de Meïssa Mbaye avec l’Orchestre National du Sénégal et des concerts, notamment à Sète, ville de naissance de Paul Valéry, dont Meïssa est citoyen d’honneur.

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À propos de l'auteur

Sylvie Clerfeuille

Sylvie Clerfeuille

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