Historique
L’histoire du groupe Donso débute sur le palier d’un immeuble du 17ème arrondissement de Paris, il y a bientôt 5 ans. Pierre Antoine Grison alias Krazy Baldhead, producteur de beats sur le label électro Ed Banger Records, entend son voisin jouer d’un instrument inconnu. C’est du doson ngoni (ou dozon ngoni), l’instrument fétiche des chasseurs Bambaras, cette confrérie mandingue d’Afrique de l’Ouest réputée pour sa puissance mystique et la force de sa musique. Depuis plusieurs années, Thomas Guillaume part régulièrement en brousse au sud du Mali pour y parfaire son apprentissage. Pierre Antoine Grison, DJ électro–hip-hop se familiarise alors avec la transe donso, celle qui prépare les chasseurs spirituellement au combat, les rend invincibles, plus puissants même que la poudre de leurs fusils. Fasciné par ces boucles hypnotiques, il tente de bâtir des passerelles électroniques entre leurs deux mondes. En 2009, ils invitent avec eux le chanteur et danseur malien Gédéon Papa Diarra, un descendant du roi Da Monzon Diarra, à la voix unique, suivra ensuite le guitariste guinéen Moh Kouyaté, au jeu psychédélique : Donso est né.
En 2010, Donso sort un album éponyme enregistré par Pierre-Antoine Grison (keyboards, programmation, production), Thomas Guillaume (donso ngoni, drums), Papa Gédéon Diarra (voix) et Guimba Kouyaté (guitare, djéli ngoni). Enfin, en 2012, Seyba Sissoko rejoint le clan des chasseurs. Avec ses percussions, son tama et son ngoni, il donne du grain à leur brousse électrogène.
Krazy Baldhead à Bamako
En janvier 2012, Pierre Antoine « Pag » Grison aka Krazy Baldhead, missionné par l’ensemble du groupe part en résidence à Bamako. Il a déjà voyagé en Afrique, mais c’est son premier voyage au Mali. Dans sa valise, quelques numéros de téléphone griffonnés par Gédéon, les recommandations mystiques de Thomas, mais aussi des maquettes de leur futur album « Denfila », un studio portable, un enregistreur de poche et quelques micros… Le jour, il voit défiler des musiciens sur la scène du Centre Culturel Français qui l’accueille en résidence pendant une semaine. La nuit, il fait la tournée des clubs et des quartiers ambiancés : Rue 235, Le Diplomate, Class A ou Le Parc des Princes, à la recherche de vibrations bamakoises et des musiciens attirés par ces expériences transmusicales.
Aux côtés de Pag, Zoumana Téréta, institution de la musique malienne, chanteur et joueur de sokou, une vièle monocorde traditionnelle. Le dispositif est simple : sur la scène du Centre Culturel Français une calebasse est posée à même le sol, plusieurs micros restent ouverts, les artistes y jouent ce que leur inspirent les maquettes de Donso. Ils essayent, s’amusent, cherchent une transe commune dans une atmosphère de jam session permanente. Au kamalé ngoni (ngoni basse), Moussa Bah, ex-membre du Ngoni Ba, le groupe de Bassékou Kouyaté, apporte son groove entêtant sur deux morceaux « Jugu » et « Easy Easy ». L’énergie de la chanteuse Mantiaba, qui était juste passée pour accompagner un musicien, traverse un morceau qui porte son prénom. Introuvable dans les clubs, le guitariste Sambala Kouyaté finira par débarquer à la dernière minute dans la chambre d’hôtel de Pag pour poser en moins de dix minutes sur « Sibi Hours » et « Rock the kalaban » ses riffs de guitare géniaux, saturés de décontraction. Séduit par l’univers de Donso, l’immense Zoumana Téréta s’improvise directeur artistique de la session bamakoise et donne corps à plusieurs morceaux aériens, « Heading to Gao » et « Dali » retravaillés au retour à Paris par l’ensemble du groupe.
Denfila
C’est cet aller-retour entre l’Europe et l’Afrique qui caractérise « Denfila » : composé à Paris, complété à Bamako, ou inversement. Carnet de sons, traversé par des sensations, des rencontres, de longues plages d’ambiances, ce second album de Donso est une rêverie sonore hallucinée malienne, entre instants fantasmés ou partagés à Bamako et leur souvenir diffus. Plusieurs titres de ce carnet sonore proviennent aussi de la seule inspiration des membres de Donso : dans « Mantiaba », le donso ngoni de Thomas Guillaume appelle à la transe, tandis que dans « Rue 235 », c’est tout le clan des chasseurs qui fait la fête à Paris comme s’il était à Bamako. Enfin « Awakening » accueille comme il se doit Seyba Sissoko, le cinquième membre de Donso pour un morceau 100% percussions entre techno–dub et dub-step.
Vécue en janvier 2013, la nonchalante virée sonore de « Denfila » dans la capitale malienne ne serait malheureusement, plus possible aujourd’hui… Depuis janvier 2012, le Mali connaît en effet des heures sombres et une crise qui menace l’équilibre de l’ensemble de sa société. En même temps que tout le reste, la musique et la vie nocturne en ont déjà fait les frais. Dans ce contexte, « Denfila », enregistré juste avant le début des tensions, donne à entendre la vibration d’une époque mise entre parenthèses. Celle d’un Bamako insouciant, où la force tellurique de la musique était la seule dont on avait vraiment à se soucier.
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