Les premiers clubs de Zanzibar
A Zanzibar, ce genre d’origine arabe fut introduit par les sultans omanais qui dominèrent l’île depuis le XVIIIe siècle et invitaient fréquemment des orchestres turcs à la cour. Au début du XIXe siècle, Seyyid Said installa sa cour à Zanzibar. Vers 1870, Said Bargash, le dernier des Sultans omanais et le plus mélomane d’entre eux envoya au Caire un Zanzibari pour qu’il apprenne à jouer le qanun. En 1905 fut ainsi formé le premier orchestre de taarab zanzibari, l’Ikhwani Safaa. Cette popularité du taarab atteindra également la Tanzanie où naissent des groupes comme le Dar Es Salam Egyptian Club et le Lulu Orchestra. Dès les années 1920/1930, des chanteurs s’imposent au sein de ces orchestres à base de tambourins, de qanuns, de darboukas, de oud et de nay.
Yaceen Mohamed et Sidi Bint Saad : les précurseurs
Dans les années 1930, le Kenyan Yaceen Mohamed et la chanteuse Zanzibari Sidi Bint Saad popularisent le genre sur toute la côte est de l’Afrique. Cette dernière métisse et féminise le taarab en introduisant le gazal indien et des instruments swahilis comme les tambours maruwasi et le gabousi (luth que l’on retrouve au Zanzibar, en Tanzanie, aux Comores, en Malaisie et en Indonésie). L’apparition de la musique cubaine dans les années 1940/1950 jouée par des musiciens venus de Goa en Inde influence fortement sa structure. A Mombasa, au Kenya, il est dominé dans les années 1950/1960 par des artistes comme le clarinettiste Matano Juma et le chanteur Juma Bhalo mêlant sonorités arabes et indiennes tandis que des clubs comme le Zein musical club est fortement influencé par la variété libanaise et égyptienne et que le Jauharah Orchestra y intègre du cha cha cha.
Le taarab militant
Quand la Tanzanie accède à l’indépendance en 1960, le Culture Musical Club nommé à sa création Shime Kuokoana en soutien au parti indépendantiste, l’Afro Shirazi, est rebaptisé Mila Na Utumaduni (tradition et culture) et devient le symbole de cette swahilisation de la culture prônée par Julius Nyerere. Le chant originellement en arabe est alors interprété en swahili. Le genre s’accélère et voit l’introduction de la contrebasse, de l’accordéon, du violoncelle, de la guitare et des percussions (dumbak, tablas, tambourin, bongos). S’y greffent peu à peu les rythmes cubains et congolais. Cette forme musicale introvertie devient progressivement une musique de danse qui intègre des éléments typiquement Zanzibari comme les mélodies ngoma et se rapproche du kidumbak (une musique jouée à l’occasion des mariages). Un des premiers clubs de taarab féminin est le Royal Air Force de Sahib El Arry. Une chanteuse zanzibari, Bi Kidude qui reprend les titres de Sidi Bint Saad impose sa voix rauque dans le Culture Musical Club et le Twinking Stars de Mohamed Ilyas.
Adopté dès les années 1950 par les Comoriens présents sur l’île de Zanzibar, le taarab devient très populaire dans l’archipel quand cette communauté est expulsée de l’île en 1964 à la suite de la création de la Tanzanie qui réunit le Tanganyka et Zanzibar.
Pop taarab et multipartisme
L’apparition de la guitare électrique et du synthétiseur dans les années 1970, la popularité de la rumba et de la samba provoque en Tanzanie la naissance du pop taarab qui émerge avec des groupes comme Tot, Mungano, le Tanzania One Theatre et l’East African Melody. Des chanteuses dominent la scène nationale comme Fatma Issa, Aziza Abdulla, Asha Simae et Saada Mohamed. La naissance en 1993 du multipartisme transforme la scène taarab en un champ de bataille politique. Certains artistes du Muungano Taarab Orchestra sont nommés directement par le Ministère de l’information au grand dam des vétérans du genre. L’Ikhwani Safaa, l’East African Melody et le Culture Musical Club se déchirent les stars tandis que les chanteurs se mettent au service des différents partis. Pour échapper à la crise, certains artistes décident même de rejoindre la scène pop taraab très active à Dar-Es-Salam.
Le taarab est également présent au Soudan avec des artistes comme Nancy Agag ou en Somalie représenté par Malika.
Aux Comores, ce dernier s’électrise dans le courant des années 1990 et des artistes comme Chebli ou Soulaiman Cheikh lui donne des couleurs pop ou funk tandis que Chamsia Sagaf lui injecte quelques pincées de rumba congolaise et d’afro-zouk.
* Sources:
– Jaquettes des cds Zanzibari 1 et 2, du CD de Spices of Zanzibar et du Cd The music of Zanzibar
– Emissions :
“Histoires des musiques urbaines africaines” sur RFI (1996) et sur Africa N°1 (2002) par Nago Seck
Archives Musicales sur RFI (1997) par Sylvie Clerfeuille (invité: Werner Graebner).
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