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“Dès la fin des années 1920, l'auteure, interprète et percussionniste (tambourin), Siti Bint Saad (ou Siti Binti Saad ou Sidi Bint Saad) fut la première à féminiser et à africaniser le taarab ("joie" en arabe), le style musical introduit au XIX° siècle dans l’archipel de Zanzibar (Mafia, Pemba, Unguja) par le sultan omanais Saïd Bargash Bin Saïd (1870 – 1888). Elle fera plusieurs émules dont la célèbre chanteuse zanzibarite Bi Kidude avec qui elle a chanté et qui reprendra deux de ses tubes, "Juwa Toka" et "Beru".”

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Mtumwa, la petite esclave

Siti Bint Saad est née en 1880 à Fumba, au sud-ouest de Zanzibar, de parents esclaves. Son père, d’origine Mnyamweszi, et sa mère, une Mzigua, lui donne le nom de Mtumwa qui veut dire « la petite esclave » en swahili.

Très jeune, elle chante dans les cours royales mais son rêve est de faire du taarab poétique et populaire chanté en swahili plutôt que de s’adonner au taarab courtois, aux chansons de palais et aux éloges des dignitaires.

Madame Siti

En 1911, Siti Bint Saad part pour la capitale Zanzibar City dans l’espoir de mieux gagner sa vie. C’est là qu’elle rencontre Muhsin Ali, un joueur de oud qui lui apprend l’arabe et l’aide à perfectionner sa voix. Bientôt, elle commence à collaborer avec des artistes du Club Ikhwani Safaa, comme Shaib Abeid. Le taarab étant réservé uniquement aux seuls hommes, il lui est interdit d’intégrer un club en tant que femme. Il faudra attendre quelques années pour qu’elle puisse rejoindre des musiciens bien établis dans la capitale : Mwalimu Shaaban (tambourin tari, voix), Buda Swedi (luth gabusi, violon), Subeti Ambari (oud), Mbaruku Effandi (violon) et Buda Bin Mwendo (violon), elle étant au au chant et au tambourin. A présent bien entourée, celle qui a choisi comme nouveau nom « Siti » (« Madame » en arabe) commence, sans se fourvoyer, à animer les mariages et les naissances de la riche bourgeoisie et de l’élite zanzibarite principalement arabe, au son du kidumbak (un style typique de Zanzibar qui accompagne les danses « msondo », interprété seul ou avec des choristes et joué avec le tambour ngoma).

Bi Kidude, l’émule

Très populaire à Zanzibar City, Siti Bint Saad commence petit à petit à féminiser, à la fin des années 1920, le taarab sous le nom de « taarab ya kiswahili » (taarab chanté en swahili). Elle lui insuffle des parfums « indianisants » comme les « ghazals », des poèmes d’amour aux influences indiennes, parfois mystiques, chantés en rythme syncopé et que l’on retrouve dans divers pays du monde musulman. Elle en accélère le tempo et l’africanise avec des rythmes congolais de Gungu (province du Bandundu), la rumba et les sonorités données par la sanza ou likembé (« kinanda » en swahili). Ses magnifiques interprétations de « Siti », une chanson sur sa vie, et de « Juwa Toka », une composition de Sahib El Arry beaucoup plus ancrée dans les racines zanzibarites comme le kidumbak et le ngoma (musiques et danses rythmées par des tambours du même nom) connaissent un tel succès que plusieurs chanteuses zanzibarites vont suivre sa voie. Parmi ses émules, on compte Bi Kidude (« la petite chose » en swahili) avec qui elle a chanté et qui reprendra plus tard certaines de ses interprétations comme « Juwa Toka » et « Beru ».

Siti, la féministe

Marquée par l’inégalité homme-femme dans le monde masculin du taarab, Siti Bint Saad sera la première à créer son propre Club Musical, un combat contre le sexisme et pour les générations futures de chanteuses.

En 1928, Siti Bint Saad devient la première artiste d’Afrique de l’Est à être enregistrée par Columbia/HMV (His Master Voice ou La Voix de son Maître) dans les studios de Bombay (Mumbai depuis 1995) où elle rencontre la diva égyptienne, Oum Kalsoum. A la sortie du disque, elle devient aussitôt une véritable star dans tout l’archipel. Entre 1928 et 1931, ses 78 tours se vendront à plus de 72.000 exemplaires, un chiffre considérable pour l’époque.

La diva zanzibarite s’en est allée à 70 ans

Femme généreuse, toujours disposée à recevoir ses compatriotes, notamment pendant le mois de ramadan où plusieurs personnes se réunissaient dans sa maison à Vikokotoni (Unguja) pour jouer aux cartes ou se détendre au son du taarab, la diva zanzibarite Sidi Bint Saad qui a enregistré plus de 150 78 tours disparaît brusquement en 1950, à l’âge de 70 ans.

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Nago Seck

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