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“Né en 1976 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, mais originaire du Sénégal, Makhtar Fall aka Xuman (ou Wakhkatou Ndiaxum ou Ousstass), membre fondateur de Pee Froiss, est l'un des pionniers du rap sénégalais. Ayant grandi aux sons qu’écoutait son grand frère (la pop, la soul et surtout le reggae de Bob Marley, Peter Tosh, Burning Spear…), Xuman commence très jeune à prendre goût à la musique, notamment le reggae, apprenant l’anglais à travers ces disques. Très attiré à cette époque par la littérature, il commence déjà à écrire ses propres poèmes... ”

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Didier Awadi, l’initiateur

Rentré au Sénégal dans les années 1990, Xuman, par le biais d’un cousin danseur de la troupe New Froiss qu’il fréquente, fait la connaissance du rappeur Didier Awadi, membre fondateur de PBS (Positive Black Soul). A cette époque des balbutiements du rap au Sénégal, Xuman qui ne connaît pas encore les bases de ce style musical présente ses poésies à Didier Awadi qui les juge très bien et lui demande s’il sait rapper. Et comme ce dernier ne l’avait jamais fait, il lui conseille d’écouter les rappeurs et d’essayer de faire la même chose avec ses écrits. C’est ainsi qu’il commence, en le fréquentant, à poser ses poèmes sur de la musique. Parallèlement, Xuman se met à écouter le rap US de Public Enemy et Niggaz Wit Attitudes aka NWA et le rap français de Claude M’Barali aka MC Solaar et du groupe marseillais IAM, des rappeurs aux messages très politiques et conscients ; un aspect non négligeable pour le novice de se décider à faire du rap.

Pee Froiss

S’appuyant sur la troupe de danse New Froiss, Xuman, qui a commencé alors réellement à rapper et très influencé par les discours moralisateurs, tente de trouver avec les autres membres un nom de groupe plus en adéquation avec le hip hop. Lui vient à l’esprit Pee Froiss Muslim, non seulement parce qu’il est musulman, mais parce qu’il découvre à cette même époque les Black Muslims et les leaders du monde noir tel que Malcolm X. Mais Xuman et ses potes trouvent ce nom réducteur, d’autant plus que leur DJ Gee Bass n’est pas musulman. Ce sera donc Pee Froiss : “Pee” (comme Possee qui veut dire le groupe) et “Froiss” (de “Froissé”). Nous sommes en 1993 et le groupe est alors composé de Kocc 6 ou Kool Kocc 6 (Babacar Diagne), DJ Gee Bayss (Georges Martin Lopis), Souley Bâ (ex Jant Bi), Bibson, Aladji Man (de Daara-J), Sister Joice et bien sûr Xuman.

Il faudra attendre 1996 pour entendre Wala Wala Bok, leur premier album rap aux textes virulents déclamés en wolof, en français ou en anglais. Le succès est immédiat et Pee Froiss, dont les titres sont diffusés en boucle par les radios, va bien vite devenir l’un des plus populaires du Sénégal.

Xuman, l’homme de vérité

Parallèlement à Pee Froiss, chaque membre du groupe explore d’autres choses en solo ou collabore avec d’autres artistes. C’est donc tout naturellement que le groupe décide de faire un break afin que chacun tente de développer une activité en solo avant de se retrouver. C’est ainsi que Xuman, écrivant des textes très politiques et toujours attiré par le reggae, va entamer une carrière en solo (en rapport avec ce style) pour ne pas engager la réputation ou la responsabilité de Pee Froiss. « …La vérité n’est pas facile à dire. Je pense que c’est juste qu’on dit les mots que la société hypocrite dans laquelle on vit n’accepte pas. Quand je dis « société hypocrite », ça reflète exactement la philosophie de Pee Froiss, on a toujours dit qu’il ne faut jamais juger un livre de par sa couverture. Avant de parler d’un livre, en bien ou en mal, il faut le lire ! On vit dans une société hypocrite, dans une société d’apparence. Dans une société où le paraître est plus important que l’être. Donc, dans nos textes, nous disons ce que les gens pensent tout bas ! La mission des chanteurs de mbalax n’est pas forcément de dénoncer des faits de société. Le rap a pour mission de dénoncer les travers de la société… J’essaie d’être le plus subtile pour que le message puisse être perçu à de différents degrés. Mais de temps en temps, c’est sûr qu’il faut dire les choses comme elles sont« , confie Xuman à Omar Diouf du Soleil, le quotidien national du Sénégal.

Cette virulence et cette soif de vérité font que Xuman est parfois ignoré par certains médias qui trouvent les messages de ses morceaux beaucoup trop agressifs, comme « Li lumu doon », « Buki ak mbaam », « Askan wi », « Begge », « Temps boy ba tey », « Joal (Hommage à Léopold Senghor) « , « Yaa tey », « Frères ennemis », « Gunman Xuman »…

Xuman et Bibson aux commandes

Après avoir enregistré plusieurs cassettes (Wala Wala Bok (1996), Affaire bou graw (1997), Ah Simm!! (1999), F.R.O.I.S.S (Ça va péter – 2001)) et un album (Konkérants (2003)), plusieurs membres du groupe partent tenter de nouvelles expériences, laissant Xuman et Bibson aux commandes de Pee Froiss avec lequel ils ont tourné en Afrique et en Europe (Allemagne, Belgique, Suisse, Italie). Ensemble, les deux potes enregistrent aussitôt Frères ennemis signé Bibson ak Xuman (Bibson et Xuman). Quatre ans plus tard, Xuman sort son premier opus solo, Gunman, en featuring avec B Fernandez, Kocc6 Mat, Black J & Taf Noni, Ameno Fils ou encore Djiba Daba & Daddy Kalif. Parallèlement, Xuman anime une émission sur Océan FM, une radio sénégalaise.

Xuman, l’homme des médias : le JT Rappé

Membre du mouvement « Y’en a marre », un groupe de contestation pacifique sénégalais créé en janvier 2011 par un collectif de rappeurs et de journalistes, Xuman, lance le 11 avril 2013, avec son compatriote et rappeur Keyti, un journal télévisé, le « JT Rappé ». Tous deux lassés de la désinformation des télévisions officielles, ils commentent l’actualité en rappant. Sur le rythme d’une musique qu’ils ont eux-mêmes composée, les deux artistes déballent leur flow pendant quatre à cinq minutes, chacun leur tour, le temps d’une chanson. Avec une particularité. Xuman s’exprime en français avant de laisser en ces termes la parole à son coprésentateur : « Ne zappez surtout pas, le wolof c’est dans un instant. La vraie info c’est ici, le journal rappé ». Keyti entre alors en scène et récite à son tour son texte, dans la langue sénégalaise cette fois.

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Nago Seck

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