Jazz Revelation
Adolph Johannes Dollar Brand devenu Abdullah Ibrahim est issu d’une mère Basuto et d’un père Bushman. Il se forme seul au piano à l’âge de 7 ans. Fasciné par le saxophoniste chanteur Louis Jordan, il se passionne également pour les rythmes traditionnels africains et les musiques d’église. Sa première vraie rencontre avec le jazz se fait à Johannesburg où il entend « Take the A train » de Duke Ellington : cette passion pour le jazz se développe bientôt avec une préférence pour le grand Duke, Thelonious Monk, Jerry Roll Molton et Fats Waller.
Un talent précoce
A quinze ans, il débute avec Tuxedo Slickers. puis joue au sein du Streamline Brothers et du Willie Max Big Band : le jazz sud-africain bat alors son plein dans tout le pays. En 1957, il participe au Minstrel Carnival du Cap, devient le pianiste du très populaire African Jazz and Variety où chante Miriam Makeba. En 1959, il fonde le Jazz Epistles en compagnie du fameux trompettiste Hugh Masekela, avec Johnny Gertze (guitare), Kippie Moeketsi (sax alto), Jonas Gwangwa (trombone) et Early Mabuza ou Makaya Nthsoko (batterie). Ce groupe légendaire rend le jazz de Sophiatown ou township jazz populaire sur tout le continent.
Duke Ellington Presents The Dollar Brand Trio
Le Dollar Brand Trio (Dollar Brand, Makaya Nthsoko, Johnny Gertze) et la chanteuse Bea Benjamin (sa femme) débarquent en 1962 en Europe. Lors d’un concert à Zurich, à l’Africana Club, Duke Ellington venu en spectateur décide de le présenter à sa maison de disques, Reprise Records. Sort en 1963 « Duke Ellington Presents The Dollar Brand Trio ». Cette même année la formation s’impose en Europe avec un morceau clé, « Anatomy Of A South African Village ».
Son grand classique « The Dream » est alors interprété par le Quatuor à Cordes Royal du Danemark. Sa popularité gagne bientôt les Etats-Unis.
Se lançant à partir de 1966 dans une carrière solo, remplace à plusieurs reprises Duke Ellington à la tête de son prestigieux Orchestre, joue avec Don Cherry et se forme au classique, offrant une nouvelle couleur à son jazz intimiste et sophistiqué.
L’année 1968 marque un tournant. À la recherche de l’harmonie spirituelle, Dollar Brand revient au Cap où il se convertit à l’islam et prend le nom d’Abdullah Ibrahim. Sa carrière va osciller bientôt entre l’Afrique (en 1968, il fonde au Swaziland la Marimba School of Music (l’école Marimba de Musique)), les Etat-Unis (où il dirige le Jazz Composer’s Orchestra ASS Workshops) et l’Europe où il forme un nouveau groupe, African Space Program.
Mannenberg – ‘Is Where It’s Happening’
En 1974, au Cap, il enregistre « Mannenberg – ‘Is Where It’s Happening' », qui devient l’hymne national non officiel des Sud-Africains noirs en lutte. En 1975, il est consacré Numéro 1 mondial du jazz par le jury de la critique internationale du Downbeat. Il décide de rentrer en Afrique du Sud.
Kalahari
Les émeutes de 1976 à Soweto le poussent bientôt à l’exil. L’œuvre monumentale de celui que Mandela appellera le « Mozart sud-africain », « Kalahari », dénonçant violemment l’apartheid sera un triomphe dans toute l’Europe.
Archie Shepp & Abdullah Ibrahim
Son duo avec le compositeur et saxophoniste de jazz américain Archie Shepp fera objet d’un album, « Duet », enregistré en 1978.
A Brother With Perfect Timing
Suivront « The Septet Ekaya » en 1984 et « A Brother With Perfect Timing » (1984), un film dans lequel il se révèle au piano un conteur charismatique et habité. Cette œuvre s’illustre par une section cuivres énergique, un chant serein, des polyrythmies élégantes et une couleur orientale. Ce touche à tout de génie intègre le long de sa brillante carrière du semba angolais, des mélodies traditionnelles sud-africaines et du jazz américain.
Auteur de bandes originales de films (« Chocolat » de Claire Denis), sa vie sera également jalonnée de rencontres comme son mémorable duo avec Chris Mac Gregor l’autre pianiste référence du jazz sud-africain.
Le retour à Capetown
En 1990, Abdullah Ibrahim, rentre au pays, partageant son temps entre Capetown et New-York. En 1997, il entame une collaboration longue et fructueuse avec le batteur Max Roach débouchant sur l’enregistrement de plusieurs duos dont « Streams of consciousness ». Ses compositions sont bientôt reprises en orchestre symphonique par Zürcher Kammer Orchester dirigé par Barbara Yahr. Suivent ensuite « African Suite » (1998), un album pour orchestre à cordes et « African Symphony » (2001), un ensemble de compositions pour orchestre symphonique qui font l’unanimité dans le monde du jazz comme dans celui du classique. En 1999, il présente Cape Town Traveller, un spectacle multimédia mêlant musique électronique, drum and bass et jazz au festival de Leipzig. En 2000, Gresham College de Londres l’invite à donner une série de conférences et de concerts, un honneur que cette très vieille institution britannique n’a fait avant lui qu’à John Cage, Luciano Berio et Xenakis. En 2001, sort « Cape Town Revisited », un hommage à la grande ville du jazz des années 1960, Cape Town, dont il retrace l’histoire musicale en compagnie du batteur George Gray, du trompettiste Feya Faku et du bassiste Marcus Mc Laurine. En 2005, des DJS des quatre coins de la planète lui rendent un vibrant hommage en remixant quelques uns de ses classiques dans l’album « Re Brahim ».
Depuis son retour au pays natal, Abdullah Ibrahim a créé un réseau d’écoles de musiques sur un concept personnel, le M7 : musique, mouvement, arts martiaux, médecine, méditation, menu, maîtres qu’il tente de diffuser dans le monde entier.
[…] trompettiste Hugh Masekela, le clarinettiste et saxophoniste Kippie Moeketsi ou encore le pianiste Abdullah Ibrahim. Miriam Makeba triomphe alors au sein de la comédie musicale “King Kong” qui connaît un […]