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“L'originalité de l'auteur-compositeur, arrangeur, guitariste, chanteur malien et ambassadeur de l'Unicef, Habib Koité, réside dans sa volonté d'élaborer une musique mandingue électro-acoustique tiré du "danssa" (ou dansa), un rythme populaire de la ville de Kayes. Combinaison de "danssa" et de "doso" (une forte tradition musicale séculaire), son style qu'il appelle "danssa-doso", un terme "bamana" (bambara) de son invention, est donné par des guitare acoustique (son instrument de prédilection), kamélé ngoni, balafon, violon, ngoni, kora, tamani (talking drum), harmonica, doumdoumba... Son premier hit, "Cigarette abana" (il n’y a plus de cigarette), mêlant musique mandingue et “son cubano" contribue largement à sa renommée en Afrique de l’Ouest, et au-delà, sur tout le continent... L'originalité de l'auteur-compositeur-guitariste-chanteur, Habib Koité" dit "Bruce" (Lee), réside dans sa volonté d'élaborer une musique électro-acoustique "bamana" à base de kamale ngoni, balafon, violon, harmonica et doumdoumba.”

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Une famille de griots khassonké maliens

Né en 1958 à Thiès, au Sénégal, une ville située sur la ligne de chemin de fer Dakar-Niger, où son père participe à la construction de la voie. Six mois plus tard, la famille Koite retourne au Mali, à Kayes (leur ville natale), capitale régionale de l’Ouest, puis à Bamako. Issu d’une lignée noble de griots Khassonké, un peuple de l’ouest du Mali (région de Kayes), Habib Koité hérite sa passion pour la musique de son grand-père paternel, joueur du kamalé ngoni, un instrument traditionnel de quatre à six cordes associé aux chasseurs du Wassoulou, une région à cheval sur le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire actuels. Il développe son jeu particulier à la guitare en accompagnant sa mère, elle même griotte, qui chante lors des cérémonies traditionnelles de la vie malienne : naissance, mariage, décès. « Personne ne m’a réellement appris à chanter ou à jouer de la guitare…. J’ai regardé mes parents, et cela a déteint sur moi« , explique Habib Koité, le griot moderne.

L’Institut National des Arts (INA)

Habib Koité était destiné à une carrière d’ingénieur, mais grâce à l’insistance de son oncle qui avait repéré très tôt son talent musical, convainc ses parents et l’inscrit à l’Institut National des Arts (INA) à Mali. Il y étudie la musique pendant quatre ans et terminé son cursus au sommet de sa promotion en 1982 ; faisant l’unanimité parmi ses promotionnaires : en 1978 (après seulement six mois de cours), il est nommé chef d’orchestre de l’INA Star, le prestigieux band des élèves de l’école. Après son diplôme, l’INA l’engage directement comme professeur de guitare, une fonction qu’l remplit jusqu’en 1998.

Pendant toutes ces années, Habib Koité a eu l’opportunité de chanter et de jouer avec toute une série d’artistes maliens reconnus, parmi lesquels l’expert du balafon et violoniste, maestro Kélétigui Diabaté et le korafola virtuose (joueur de kora) Toumani Diabaté. Il participera comme guitariste (acoustique) et chanteur au légendaire album de ce dernier, Shake the Whole World (1992 – Sony Music), enregistré entre le Mali et le Japon et réservé notamment aux marchés de ces deux pays. Plus tard, Kélétigui Diabaté rejoint Habib, devenant membre à part entière de son groupe, Bamada (surnom des habitants de Bamako, signifiant « dans la gueule du crocodile »).

Bamada & Cigarette abana

En 1988, Habib Koité forme avec de jeunes musiciens maliens, amis depuis l’enfance, son propre groupe, Bamada (surnom donné aux résidents de Bamako et qui signifie « dans la bouche du crocodile »). Dès lors, il écume avec son les scènes de la capitale Bamako et de nombreuses villes du Mali, peaufinant ainsi sa force musicale et sa cohésion scénique, une des qualités aujourd’hui unanimement appréciée. En 1991, financé par un ami français, Maurice Cimalando, Habib Koité se rend à Perpignan (France) où il remporte le premier prix du Festival Voxpole. Cette récompense lui permet de financer la production de deux chansons enregistrées immédiatement. Un des morceaux, « Cigarette abana » (il n’y a plus de cigarette) connaît aussitôt un énorme succès à travers toute l’Afrique de l’Ouest.

Michel De Bock et Contre-Jour

michel_de_bock.jpgAprès la sortie d’un autre single aussi couronné de succès et intitulé « Nanalé » (l’Hirondelle), Habib Koité reçu le prestigieux prix « Découverte 1993 » de Radio France Internationale (RFI). Cette récompense et sa rencontre à l’initiative de Souleymane Koly, le directeur de l’Ensemble Kotéba, avec Michel De Bock, le fondateur de l’agence artistique belge Contre-Jour, ont permis à Habib et aux Bamada d’entreprendre et d’organiser pendant l’été 1994 leur première tournée hors d’Afrique. En 1995, Michel De Bock et Habib décident de travailler ensemble en termes de management et de production. Ils enregistrent en mars Muso Ko, le premier album d’Habib Koité & Bamada, au Studio Caraïbe/Molière à Bruxelles, en Belgique (tout comme les 2 CDs suivants). Contre-Jour se hâte de terminer le CD pour pouvoir le présenter aux professionnels présents au MASA (Marché des Arts et du Spectacle Africain) à Abidjan (Côte d’Ivoire) lors de la prestation d’Habib & Bamada. Ce concert restera dans les mémoires comme un des grands moments de la seconde édition de ce MASA.

À partir de ce moment, Habib Koité devient une référence du circuit européen des festivals, ce qui contribue à promouvoir sa musique envoûtante et ses spectacles très énergiques autour du monde. Habib va ainsi jouer dans la plupart des grands lieux et festivals européens, comme le Festival de Jazz de Montreux, le MAD et le Word Roots Festival, Couleur Café, Paléo Nyon, etc.

Habib Koité à la conquête de l’Amérique

Le deuxième album d’Habib Koité Ma Ya, toujours produit par Contre-Jour, est présenté en 1998 en Europe. Il a été très chaleureusement accueilli et reconnu par la presse internationale. Il restera, fait sans précédent, trois mois à la première place des « Word Musical Charts Europe » des programmateurs radio. Cette production subtile est révélatrice d’un côté plus acoustique, plus introspectif de la musique d’Habib. Les tournées et invitations aux plus grands festivals du monde se succèdent en témoignage de ce succès. En janvier 1999, Contre-Jour cède la licence de Ma Ya pour l’Amérique du Nord à Putumayo World Music, ce qui contribua à installer définitivement Habib comme l’une des nouvelles figures les plus intéressantes de la world music dans ce continent. Ma Ya atteint la 1ère position et passe 20 semaines dans le Top 20 du US « CMJ New World Music Chart » et perce véritablement à la radio rock AAA, passant plusieurs mois en rotation régulière sur les ondes des radios commerciales du pays.

En tournée aux USA en février 1999 pour la promotion US de Ma Ya ainsi que pour celle de la compilation Mali to Memphis (produite par Putumayo), Habib Koité et le bluesman US Eric Bibb font redécouvrir les connexions certaines entre le blues et la musique malienne. Les deux artistes enregistreront en 2012 à Bamako, juste avant les événements tragiques qui ont déchiré le Mali, l’album Brothers in Bamako. Toujours en 1999, après la désormais habituelle tournée estivale européenne, Habib Koité retourne avec son groupe Bamada aux Etats Unis, « incendiant » les scènes des festivals et les salles de concerts.

Habib Koité et sister Oumou Sangaré

Au printemps 2000, Habib Koité participe, en tant qu’invité, à une tournée du légendaire groupe de free-jazz américain, Art Ensemble of Chicago. À l’automne 2000, lors de la tournée nord-américaine « Voice of Mali », il partage la scène avec la sœur Oumou Sangaré, grande diva de la chanson mandingue, très populaire en Afrique de l’Ouest. Ce fut un succès considérable. Tout comme Oumou Sangaré, Habib gagne rapidement la reconnaissance du public avec de nouveaux fans et prouve une fois de plus qu’il est un artiste doté d’un potentiel extraordinaire. À San Franciso et Los Angeles, Habib est rejoint sur scène par la chanteuse et guitariste américaine de blues et de country Bonnie Raitt pour des jams mémorables. Les retombées médiatiques de ces tournées furent remarquables, et cela aussi bien en Europe qu’aux Etats Unis : People Magazine, Rolling Stone, Le Monde, Songlines, De Standaart, Le Soir et la couverture du Rhythm Magazine, pour en citer quelques-uns. Ils se retrouveront des années plus tard aux côtés d’autres artistes pour chanter la paix au Mali, alors en pleine crise politique et sociale.

Les honneurs, Jackson Browne et Bonnie Raitt

Artiste reconnu par le grand public américain, Habib Koité est salué également par les médias aux USA, notamment les émissions des radios publiques nationales : « All Things Considered » (NPR : National Public Radio – Washington), World Cafe (WXPN – Philadelphie, Pennsylvanie), The World (PRI : Public Radio International – USA) et House of Blues Radio Hour (émission spéciale sur « Mali to Memphis » – USA). Il est aussi sur les programmes internationaux comme WorldBeat (CNN). En Europe, la VRT (TV belge flamande) et Arte lui ont consacré des reportages ainsi que de nombreuses radios dans chaque pays. Mais les honneurs ne s’arrêtent pas là : son talent et sa forte personnalité lui rapportent la reconnaissance d’artistes majeurs tels que l’auteur ; compositeur et chanteur de rock américain Jackson Browne et la chanteuse Bonnie Raitt avec qui il avait fait des jams à San Franciso et à Los Angeles. Ils ont tous deux largement contribué à la diffusion de la musique d’Habib aux USA, en organisant des événements privés destinés à attirer des nouveaux auditeurs et même, en se produisant sur scène avec lui (à Los Angeles et à San Francisco).
À la suite de ces rencontres, les Américains Jackson Browne (guitariste et pianiste de folk et rock) et Bonnie Raitt (chanteuse et guitariste de blues et country) décident d’aller au printemps 2000 à Bamako, au Mali, à la rencontre d’Habib et de musiciens maliens, mais aussi à la découverte de la culture mandingue que l’artiste chante avec tant de ferveur. Habib Koité sera d’ailleurs invité pour un sublime duo sur le titre « Back Around » de l’album Silver Lining de Bonnie Raitt paru en 2002 chez Capitol Records.

Baro, le virage musical

Le 3ème album d’Habib Koité, Baro (2001), continue où Ma Ya nous a laissés, avec un set de mélodies hantées et un jeu de guitare tenant de la virtuosité. Habib est épaulé par Kélétigui Diabaté, le maître Malien indiscuté du balafon, qui tourna en 1978 aux Etats Unis avec le vibraphoniste Lionel Hampton et la chanteuse, un projet sponsorisé par la fondation Rockefeller. Avec le soutien des autres membres talentueux du Bamada, Habib Koité se balance du groove à influence cubaine du morceau « Batoumanbe » à l’éthéré et enchanteur « Sinama denw ». Les arrangements acoustiques sans fards reflètent les siècles de tradition malienne, et en y incorporant des influences occidentales subtiles, il crée des chansons qui accrocheront, à coup sûr, l’attention d’un public varié. Baro inclut aussi une nouvelle version latino (en espagnol) du premier hit d’Habib Koité l’ayant rendu célèbre en Afrique de l’Ouest, “Cigarette abana ». Il faut voir dans cette version un clin d’œil à l’importance de l’influence de la musique cubaine en Afrique. Les nombreux échanges entre Cuba et les jeunes états indépendants d’Afrique de l’Ouest (dans les années 1960) ont contribué grandement à cette popularité.

Technique de jeu de guitare

Habib Koité à une approche unique et très personnelle du jeu de guitare. Il accorde son instrument sur la gamme pentatonique et joue sur des cordes ouvertes comme il le ferait sur un kamélé ngoni, un instrument à cordes traditionnel malien. À d’autre moment, la musique d’Habib sonne plus proche du blues ou du flamenco, deux styles qu’il a appris avec Khalilou Traoré, un vétéran du légendaire groupe afro-cubain Las Maravillas de Mali. Contrairement aux griots, sa façon de chanter est réservée et intime, avec des variations de cadence du rythme et des mélodies.

Le Mali possède une tradition musicale riche et diversifiée, qui varie beaucoup selon les régions et les cultures locales. Mais Habib Koité est unique car il rassemble des genres différents issus des différentes ethnies qui composent le pays, créant ainsi une nouvelle approche « trans-malienne » qui reflète son ouverture d’esprit et son intérêt porté à tout type de musique.

Style musical

Le style prédominant joué par Habib Koité est basé sur le « danssa », un rythme populaire provenant de la ville de Kayes. Sa musique qu’il appelle « danssa-doso », un terme bambara de son invention, est une combinaison de « danssa » et de « doso », une forte tradition musicale séculaire des chasseurs. « Je mets ces deux mots ensembles pour symboliser la musique de tous les groupes ethniques du Mali. Je suis curieux de toutes les musiques du monde, mais je fais de la musique malienne. Dans mon pays, nous avons tellement de rythmes et de mélodies magnifiques. Beaucoup de villages et de communautés ont leur propre musique, mais les musiciens maliens ne jouent que leur propre musique ethnique. Mais moi, je voyage partout dans le patrimoine musical malien et mon objectif est de valoriser toutes ces traditions en les intégrant dans ma musique. » Avec un pied solidement ancré dans le passé et l’autre résolument prêt à évoluer dans le monde actuel, Habib Koité est l’artiste d’une génération témoin de la chute des barrières culturelles, comme le laissent entendre ses opus suivants, comme le magnifique double album Fôly ! Live Around The World (2003), Afriki (2007), Brothers in Bamako (2012) en duo avec Eric Bibb (enregistré juste avant le début des événements tragiques qui ont déchiré le Mali) ou encore Soô (6/01/2014), un disque incarnant parfaitement ce qu’est le Mali aujourd’hui, une vaste terre multiculturelle qui aspire à l’entente et à la paix…

En même temps qu’il chérit et respecte la musique de ses ancêtres, Habib Koité envisage et espère aussi un jour où les chefs de villages communiqueront avec le monde à partir de leur hutte en chaume par Internet via leur ordinateur.

La musique d’Habib Koité prouve que nous ne pouvons abandonner le passé dans le dessein de se développer, et que pour assurer ses bienfaits, le monde moderne a besoin de garder ses liens avec le folklore, ainsi qu’avec sa mythologie et son histoire des peuples pour conserver son âme.

Philanthropie

Soucieux de la santé des enfants maliens, Habib Koité, avec le concours de l’Unicef, donne un concert, devant 10.000 enfants, au stade Modibo Keïta de Bamako pour sensibiliser la population malienne, notamment les jeunes, aux lavages des mains et à l’hygiène.

* Source : https://www.habibkoite.com / http://www.contrejour.com

Crédit photo : Renée Missel

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Nago Seck

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