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“Autodidacte, batelier, poète populaire, chroniqueur social, auteur-compositeur, guitariste et chanteur à la voix de crooner, Antoine Kolosoyi aka Wendo Kolosoy signe, en 1948, avec le titre "Marie Louise" (Editions Ngoma), la naissance de la rumba kinoise. Né le 25 avril 1925 à Mushie, au Congo belge (actuelle République Démocratique du Congo), Wendo Kolosoy disparaît le 28 juillet 2008 à Kinshasa, suite à une longue maladie.”

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Nicolas Jéronimidis, le père adoptif

Originaire de Mushie près du lac Léopold II rebaptisé en 1972 lac Mai-Ndombe (« l’eau noire » en lingala), dans la province du Bandundu (nord-est de R.D. Congo), Antoine Kolosoy voit le jour en 1925, d’une mère Kundo, chanteuse traditionnelle et d’un père Ekonda disparu très tôt suite à une longue maladie. A l’adolescence, il suit les traces maternelles en chantant dans les fêtes de quartier, les naissances et les funérailles, en autodidacte. Mais les difficultés financières l’amènent à quitter sa ville natale pour Léopoldville où il débarque en 1936. Dans la capitale congolaise, il fait la connaissance d’un commerçant grec, Nicolas Jéronimidis dit « Nico », qui va le chaperonner et l’adopter. Ce dernier lui offre sa première guitare, un instrument qu’il apprendra en autodidacte. C’est ainsi qu’il débute, quelques années plus tard, sa carrière professionnelle de chanteur, à une époque où la scène kinoise est dominée par les groupes Congo Rumba du musicien antillais Jean Réal (1938) et Jazz Bohême de l’auteur-compositeur Bernard Massamba (1939), tous deux adeptes de rumba cubaine.

Paul Kamba, l’inspirateur

S’inspirant de Paul Kamba qui initie la rumba brazzavilloise en 1942 avec son groupe Victoria Brazza, Wendo Kolosoy fonde avec quelques amis de Léopoldville l’orchestre Victoria Kin qui connaît un grand succès. Mais quelques années après, des difficultés financières surgissent au sein de l’orchestre malgré les efforts de Wendo, l’âme du groupe. Contraint de quitter ses amis, il trouve un emploi de mécanicien dans une société de la place. Il n’y travaille pas longtemps, car amateur acharné de la musique, il préfère abandonner ce poste pour se faire engager par Les Editions Ngoma fondées par son mentor, Nicolas Jéronimidis. Nous sommes en 1948.

Deux ans plus tard, l’initiateur de la rumba brazzavilloise, Paul Kamba, né en 1912, décède à Brazzaville suite à une maladie. Antoine Moundanda lui dédie aussitôt le titre « Mabele ya Paul » et les autorités de son pays éditeront en 1977 un timbre à son effigie et donneront son nom à une rue du quartier Poto – Poto à Brazzaville.

Marie Louise, le détonateur

Nico Jéronimidis eut alors l’idée de réunir trois grands guitaristes du pays, Léon Bukasa, Manuel d’Oliveira et bien sûr Wendo Kolosoy, pour lancer le trio BOW (Bukasa / Oliveira / Wendo). La même année, accompagné de ses deux amis de BOW et d’anciens membres de sa formation Victoria Kin, Wendo Kolosoy fait ses premiers enregistrements dans les studios des Editions Ngoma pour un super 45 tours comportant « Marie Louise« , « Paul Kamba atiki biso » (dédié à Paul Kamba) et « Wasero Eruga ». Sa voix à la fois éraillée et profonde, ses onomatopées, ses inflexions vocales tendant parfois vers des sons aigus, ses roucoulades ainsi que sa rumba kinoise, fusion de rythme traditionnel (zebola), latin (rumba cubaine) et antillais (« matiniqué », déformation de martiniquais), séduisent aussitôt les mélomanes des deux rives du fleuve Congo.

Chanson dédiée à celle qu’il veut épouser malgré I’opposition de ses parents, la petite sœur de son ami Henri Bowané, « Marie Louise » connaît un tel succès que ses admirateurs de Kin-Malebo lui attribuent plusieurs surnoms comme « Wendo Sor » (déformation de Windsor) ou « Mokonzi ya nzemba » (« Maître de le chanson »). Marie Louise, propre mère de la chanteuse Lo-Benel, lui vaut les surnoms de « Mokonzi ya nzemba » (« maître de la chanson ») et de « père de la rumba congolaise ».

Quant à son producteur Nico Jéronimidis des Editions Ngoma, il est à son tour baptisé « Motu ya liboso atiyaki lolaka na biso na palaki » (« le premier homme qui a placé nos voix sur disques »).

Véritable détonateur de sa carrière et de la rumba congolaise, la chanson « Marie Louise » à « laquelle les autorités politiques de l’époque accordaient la vertu magique de réveiller les morts si on la joue aux alentours de minuit et de perturber la jeunesse, fut considérée par l’église catholique comme satanique ». Wendo Sor est alors excommuniée et contraint de quitter la capitale Léopoldville pour se réfugier à Stanleyville (actuel Kisangani). Pour subvenir à ses besoins, il devient boxeur professionnel malgré lui.

A la mort de Nicolas Jéronimis en 1951 à Kinshasa où il est enterré selon ses vœux, son petit frère Alexandre prend le relais et développe la firme en fondant une usine de pressage en France. A l’instar de l’aîné disparu, il noue de solides liens avec Wendo.

Tango ya ba Wendo, le temps de Wendo

Après plusieurs années de galère, Tabu Ley Rochereau l’invite en 1966 à chanter avec son groupe African Fiesta National avant de lui dédier « Mokitani ya Wendo » dans l’album Rochereau / Sam Mangwana & L’African Fiesta 1968-1969-1970 (Syllart Productions).

Lorsqu’en 1973 Papa Noël est chargé par le bureau du président de la République du Zaïre, Mobutu Sésé Séko, de réaliser dans le cadre de l’authenticité prôné par le pouvoir le double album Anthologie de la musique zaïroise moderne vol2, Wendo Kolosoy fait partie de l’aventure aux côtés d’autres figures emblématiques de la musique congolaise comme Camille Feruzi, Léon Bukasa, Lucie Eyenga Moseka, Adou Elenga et Manuel d’Oliveira. Vingt ans plus tard, il fait l’objet d’un documentaire réalisé par le Belge Mirko Popovitch, « Tango ya ba Wendo » (« le temps de Wendo » en lingala), nom donné dans les années 1940-1950, à Kinshasa, au précurseur de la rumba zaïroise.

Il faut attendre 1997 et la parution de la compilation, Grands courants des musiques urbaines africaines, illustration sonore de l’exposition « Les grandes figures des musiques urbaines africaines » réalisée par Nago Seck, Sylvie Clerfeuille et Afrique en Créations pour réentendre « Marie Louise« , son fameux titre qui lui a causé tant de problèmes. Cette exposition présentée la même année au Festival Musiques Métisses d’Angoulême tournera dans diverses villes d’Afrique, d’Europe et des Antilles.

Le fidèle Albert Emina

En 1999, Christian Mousset, initiateur de ce festival, signe Wendo Kolosoy pour Label Bleu/Indigo et sort l’album Marie Louise. A cette occasion, « le père de la rumba congolaise », Papa Wendo, et « la reine mère du bikutsi camerounais », « Mama Maria » (née Anne-Marie Nzié), sont réunis par le producteur pour un magnifique duo dans « Tokutani ». S’ensuivent plusieurs concerts et tournées de promotion en Afrique et en Europe, avec un groupe constitué de jeunes musiciens et de son fidèle ami du groupe Victoria Kin, Albert Emina.

Les retrouvailles de Wendo et d’Alexandre Jéronimidis

A l’occasion de son passage au Centre Wallonie Bruxelles en octobre 1999, Nago Seck et Sylvie Clerfeuille l’invitent à déjeuner dans un restaurant congolais du 18ème arrondissement de Paris puis lui font la surprise d’aller rendre visite à Alexandre Jéronimidis, alors âgé de 94 ans, malade et alité. En effet, lors d’une interview de l’ex-producteur grec dans sa villa à Versailles, il confie aux deux journalistes son désir de revoir Wendo Sor avant de mourir. Ces derniers lui promirent alors qu’ils feront tout leur possible pour que ce vœu se réalise, si toutefois Wendo vienne à Paris. Comme dit le proverbe « chose promise, chose due ». C’est ainsi que ces retrouvailles très émouvantes eurent lieu en présence de leurs enfants, du producteur/manager belge Michel De Bock (Contre-Jour) et du journaliste congolais Manda Tchebwa (actuellement membre du MASA). Ce fut aussi l’occasion pour Wendo, le passionné de châteaux, de palais et de palaces, d’entrevoir avec émerveillement le Château de Versailles.

Wendo fait son Bercy grâce à Papa Wemba

La même année, son titre « Pépé Kallé », un hommage bouleversant au chanteur congolais disparu en 1998 est sur MASA – Musiques du continent Africain vol2, le double album réalisé par Label Bleu/Indigo pour le Marché des Arts du Spectacle Africain auquel Wendo et son groupe ont participé. Le 31 décembre 2002, il est au Palais Omnisport de Paris Bercy, invité par Papa Wemba à son show spécial réveillon pour la sortie de l’album Bakala dia kuba.

Amba

En 2002, paraît « Amba », un magnifique album mêlant sons acoustiques et électriques, et marqué par la guitare et la voix attendrissante de celui que l’on surnomme le « père de la rumba congolaise« .

On the Rumba River

Lors de sa venue au Festival au Carré en juillet 2004, les organisateurs décident d’enregistrer, en partenariat avec le label Igloo Mondo/Sowarex, Banaya Papa Wendo (sorti en 2007). En novembre/décembre de la même année, Jacques Sarasin tourne en RDC (République Démocratique du Congo) « On the Rumba River », un hommage au « maître de la chanson congolaise » qui y joue son propre rôle. Sorti en 2006, ce film retrace la vie d’Antoine Kolosoy : orphelin très jeune, emprisonné, excommunié puis boxeur professionnel…La bande originale du film qu’il a aussi réalisée sera produite en 2007 par le label Marabi de Christian Mousset.

Mokonzi ya nzemba n’est plus

Atteint d’une crise de surmenage, Wendo Kolosoy lutte depuis juin 2005 entre la vie et la mort au centre médical de Barumbu à Kinshasa, faute de soins appropriés. Se disant abandonné par les autorités politiques et les artistes de son pays, il a lancé un appel à la solidarité pour lui venir en aide.

Crooner incontournable de la scène africaine, auteur-compositeur de tubes qui ont marqué l’histoire de la musique d’Afrique centrale, mécanicien pendant vingt ans sur le Luxembourg, un bateau qui fait la navette sur l’immense fleuve Congo, précurseur de la rumba kinoise et « père de la rumba congolaise« , Wendo Kolosoy disparaît le 28 juillet 2008 à Kinshasa, suite à une longue maladie. Il avait 83 ans.

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Nago Seck

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