" "
“Né le 5 septembre 1942 à Kipri, au nord-ouest de Luanda en Angola, d’un père angolais et d’une mère congolaise (R.D.C.), José Adelino Barceló de Carvalho aka Bonga ou Bonga Kwenda est un auteur-compositeur, interprète et multi-instrumentiste (dikanza ou reco-reco, congas, tumba, surdo, gaïta, harmonica). Artiste conscient et militant, Bonga a popularisé la kizomba et le semba angolais, y greffant de la morna et de la rumba congolaise. Bonga diffuse aussi de l'afro-folk, avec des balades à base de voix et d'instruments acoustiques. Ses textes empreints de poésie reflètent la révolte de l'homme colonisé que l'on dépossède de son identité...”

"
"

Liceu Vieira Dias & Ngola Ritmos, précurseurs du semba moderne

Bonga Kwenda passe son enfance dans les bidonvilles de Luanda appelés « muceques » (« bâtis avec le sable » en kimbundu, l’une des langues les plus parlées en Angola). Très jeune, Bonga s’initie à la musique auprès de son père, accordéoniste dans un groupe de « rebita » (musique des pêcheurs) de Liha de Cabo, un ghetto de Luanda. Il fait ses premiers pas musicaux dans des groupes folkloriques comme excellent joueur de reco-reco ou dikanza (racloir en bambou). A cette période où la culture angolaise est sous domination portugaise, les langues et les musiques traditionnelles bannies, plusieurs groupes utilisent alors la musique comme outil culturel d’affirmation identitaire, interprétant des chansons évoquant la colonisation, la pauvreté, l’injustice…C’est le cas de musiciens comme Elias Dia Kimuezo ou ceux de Ngola Ritmos, un groupe fondé par le compositeur/guitariste Liceu Gamor aka Liceu Vieira Dias, modernisateur de la musique populaire de Luanda, le semba, et auteur du fameux « Muxima » (1941). Afin de toucher à la fois les populations des quartiers huppés et ceux des « muceques » (ghettos), Liceu Vieira Dias et Ngola Ritmos injectent des doses de fado portugais, de folk à bases de guitares acoustiques et de samba brésilienne dans les musiques traditionnelles pour distiller des textes à double langage très anticolonialistes. Ces chansons jouant sur la satire sociale et la parabole valent à Liceu Vieira Dias d’être détenu pendant plusieurs années dans les geôles de Salazar au Cap Vert.

La troupe folklorique Kissueia

Inspiré par le semba, l’ancêtre de la samba brésilienne, Bonga intègre en 1962 le groupe folklorique Kissueia, un nom évoquant la misère des quartiers pauvres en kibundu. C’est avec cette troupe qu’il enregistre son premier titre, « Uengi » qu’il reprendra plus tard sous l’intitulé « Uengi Diá Ngolá ». Sa voix rauque et mélancolique reprend les chants populaires de Luanda, les musiques des rituels « macumba » et « kalundu », les rythmes « kilombe-lombe » (danse de l’oiseau), « kisselenguenha » (danse de virilité) et le « batuque ». Il décide, en raison de ses convictions politiques et de ses positions identitaires et anticolonialistes, de changer son nom « colonial » pour celui de Bonga Kwenda qui veut dire « celui qui est en perpétuel mouvement ».

Angola 72, l’hommage aux combattants de la liberté

Converti à l’athlétisme, Bonga rejoint au début des années 1960 Lisbonne où il devient en 1966 champion du Portugal du 400 m sous le nom de José Adelino Barcelo de Carvalho avant de devenir, cette fois-ci sous son pseudo Bonga Kwenda, le porte-parole du MPLA (Mouvement Populaire de Libération de l’Angola). Pourchassé sous le régime Salazar par la PIDE (Police Internationale et de Défense de l’Etat portugais) après recoupement de ses deux noms, Bonga se réfugie en 1972 au sein de ses « frères » capverdiens de Rotterdam en Hollande. C’est là qu’il signe son premier contrat discographique avec le label Morabeza Records. Sort la même année Angola 72 (Morabeza Records), un album dédié à ceux qui combattent pour la liberté en Angola, marqué par la nostalgie et la mélancolie, et enregistré en une journée à Rotterdam avec son compatriote Mario Rui Silva (mbira (kissange), guitare) et le Capverdien Humberto Bettencourt (guitare solo, basse). Bonga y parle de la vie dans les quartiers populaires de Luanda et des méfaits de la guerre dans son pays. Entré clandestinement en Angola, le disque devient un manifeste indépendantiste. « Dans ce disque, on ressent toutes les émotions qui nourrissaient mon cœur à cette époque-là, et les échos des expériences qui ont été décisives pour ma vie future », dit Bonga.

On retrouve notamment dans cet album, l’un des titres les plus célèbres de Bonga, “Mona Ki Ngi Xica” qui veut dire « le denier message » (plus de 520.000 vues sur youtube), qui figurera en 1996 dans la bande originale du film français “Chacun cherche son chat” de Cédric Klapisch.

Sodade ou l’influence de la morna

Après la Hollande, il rejoint la Belgique puis la France en 1973. À Paris où il s’est installé, Bonga Kwenda monte le groupe Batuki, multiplie les rencontres musicales, tâte des claviers, s’initie à l’arrangement et cherche de nouveaux sons qui ne déforment pas la base du semba. Il intègre la rumba et le soukouss du Congo, la cadence des Antilles, l’afro-cubain, le blues, la soul et surtout la morna du Cap Vert. Ses albums Raizes et surtout Angola 74 seront le reflet de cette orientation musicale avec, notamment, l’adaptation de « Sodade » (la nostalgie), un titre de morna qui fait l’objet de polémique au sujet de son auteur : certains l’accordent à Armândio Cabral qui a sollicité le clarinettiste/saxophoniste/trompettiste Luis Morais (décédé en 2002) pour l’écriture des partitions, d’autres l’attribuent à Armando Zeferino Soares qui jouait ce titre dans les années 1950 à Mindelo avec le luthier Baptista, le père de Bau. Dix huit ans plus tard, Cesaria Evora avec laquelle Bonga a interprété en duo « Sodade », portera cette magnifique composition sur la séparation, la nostalgie… sur toutes les scènes du monde.

Angola 76 : Bonga et les Capverdiens

Un an plus tard, Bonga enregistre Angola 76, un album fidèle à sa démarche musicale et politique et réalisé avec certains membres de Voz di Cabo Verde, Luis Morais (clarinette), Morgadinho (trompette), Djosinha (voix) et leur compatriote Humbertona (guitare), tous du Cap Vert.

Appel à la réconciliation nationale et au changement politique

A l’avènement du putch militaire du 25 avril 1976 en Angola, Bonga peut enfin naviguer entre Paris et Lisbonne où son style fait recette. Outre la kokoa (petite guitare), la batterie et les synthés, il utilise le racloir dikanzaa, la sanza, le marimba (balafon), l’undu (berimbau) et l’harmonica pour soutenir des compositions originales de semba urbain, syncopé et dynamique, comme dans les albums Racines (1978) et Kandandu (Le Chant du Monde – 1980). Bonga présentera cette musique de fusion au festival de Nyons puis à la première Africavision à Libreville au Gabon en 1981. S’ensuivent plusieurs concerts et réalisations discographiques telles que Kualuka Kuetu en 1983, Marika en 1984 et Sentimento en 1985. La même année, son passage à l’Olympia à Paris, avec le groupe antillais Malavoi, lui permet d’élargir son public. Il tourne ensuite dans les pays lusophones d’Afrique (Mozambique, Guinée Bissau) et participe à de nombreux concerts de solidarité pour les droits de l’homme mais est vite dégoûté par le poids du business. À la sortie de Massemba en 1987, il joue au célèbre Apollo Theatre de New York lors d’une tournée aux Etats Unis. Cette rénovation des rythmes traditionnels angolais se poursuit avec plusieurs enregistrements dont Reflexão (1988), un appel à la réconciliation nationale après tant d’années de guerre, Malembe-Malembe (1989), un appel au changement politique. Dans cet opus fidèle à son engagement, Bonga lance un appel au changement politique – en douceur – en Angola à travers le méga hit « Mariquinha » (plus de 980.000 vues sur youtube).

Paz em Angola : Paix en Angola

En 1991, Bonga, accompagné du groupe Afro Star’s, sort chez Discossette Jingonça e Diaka, une compilation regroupant les titres de ses albums Diaka (1990) et Jingonça (1991). Dans cet opus de semba et de kizomba angolais, Bonga parle de la guerre, de la pauvreté, de l’exil, de l’acculturation et de son désir d’indépendance.
La même année, il enregistre Paz em Angola, un appel à la paix en Angola, marqué par quelques prouesses techniques à la guitare électrique sur une rythmique semba à la sauce merengue.

La liberté retrouvée

Après 25 ans d’exil, Bonga décide de retourner dans son pays natal en 1992. A son retour, il enregistre en 1993 Mutamba un album qui parle de la vie à Luanda. L’année de la parution de Preto e Branco (Noir et Blanc) sur l’unité nationale angolaise voit la nomination de Bonga pour le prix Unesco 1996.

Bonga, l’idole des jeunes

En 2000, Bonga sort chez Lusafrica Mulemba Xangola, un appel à la liberté et à la démocratie sur des mélodies nostalgiques par endroits. L’année suivante Lusafrica réalise O’ Melhord e Bonga, une compilation réunissant quelques uns de ses meilleurs hits tirés des albums Angola 72, Angola 74, Mulemba Xangola. Il offre aussi trois inédits (« Agua Rara », « Kua N’Gongo » et « De maos a Abanar »). En 2003, paraît Kaxexe (la fuite), un album sur l’exil, le changement, les enfants des rues, les gangs des faubourgs de Luanda et l’Angola (la guerre, la politique, l’histoire…). En mars 2005, Bonga réalise Maiorais, un album de la lignée d’Angola 72 teinté de samba et marqué par de sobres et fines lignes d’accordéon. Il y chante d’une voix rauque et chaude la nostalgie, la mélancolie, l’histoire de son pays, l’éloignement ou encore la vie des « muceques » (ghettos). En 2008, paraît Bairro (banlieue), un opus enregistré entre Lisbonne et Paris, ses deux villes d’adoption : « A 65 ans, idolâtré par une jeunesse qui vient de le découvrir et qu’il appelle ses enfants, Bonga parcourt les scènes du monde en portant toujours avec fierté le rythme semba comme un étendard, étonné et ravi que l’auteur, compositeur et interprète français Christophe Mae lui demande de venir chanter en duo avec lui sur la scène de Bercy, flatté de recevoir des demandes de collaboration pour des duos ou des propositions de remix de son répertoire par des DJ qui pourraient être ses petits enfants… »

En 2010, Bonga participe avec la chanson « Mindjeres De Pano Preto » au double album Rencontre Nakasadarte Lusofona (2010), un projet initié par Naka Ramiro et réunissant des artistes de l’espace lusophone, dont Teofilo Chantre, Paulino Vieira, Jovino Dos Santos, PWKW… et des invités comme Princess Erika (voix), Manu Dibango (sax, voix), Vincent Buchet (harmonica) et Pédro Kouyaté (batterie, calebasse).

L’année suivante, Bonga sort Hora Kota (L’heure des sages), un opus dans lequel il dresse l’état de son Angola natal qu’il a retrouvé après en avoir été longtemps éloigné. On y entend deux duos en bonus : « Dikanga » avec Agnès Jaoui et « Angola », interprété en 2010 avec le chanteur français Bernard Lavilliers dans Causes perdues et Musiques tropicales.

Musicien conscient et engagé, Bonga Kwenda a publié un recueil de poèmes écrit par ses soins, “As Nossas Malambas”, a fait l’objet d’une biographie écrite par João Paulo N’ganga, “Dendém de Açúcar” (1997), et a participé à des bandes originales de films, dont “La thune” (1991) du réalisateur français Philippe Galland.

"
"
"
"

À propos de l'auteur

Nago Seck

Nago Seck

Laissez un commentaire